[LUM#16] Ainsi fond, fond, fond…
Il y a de la vie sur les glaciers. Une cryobiodiversité encore mal connue qui pourrait bien disparaître avant même d’avoir livré tous ses secrets. Car de retrait en recul, les glaciers, inexorablement, s’éteignent. Un phénomène que le projet « Life without ice » veut appréhender dans toutes ses dimensions.
Oiseaux, insectes, crustacés, algues, champignons, virus, bactéries et même tardigrades. Bienvenue… sur la glace. Un réservoir de vie insoupçonné et qui recèle encore des mystères : « de nombreuses espèces qui composent cette cryobiodiversité restent à décrire », explique Olivier Dangles*. Mais le temps presse, car cette biodiversité de l’extrême est en péril. En cause : la disparition de son habitat, victime emblématique du dérèglement du climat. En un demi-siècle, les glaciers du monde entier ont en effet perdu 9 000 milliards de tonnes de glace, soit chaque année trois fois le volume de glace contenu dans les Alpes européennes. « Après avoir utilisé ces dernières décennies les mots « retrait » ou « recul » pour décrire la dynamique des glaciers, nous devons désormais fouiller un nouveau champ lexical : celui de l’extinction », déplore le chercheur du Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive. D’ici 2100, la masse totale des glaciers dans le monde aura diminué de 35 % à 55 %.
Et parce que certaines espèces qui composent cette cryobiodiversité ne vivent que sur les glaciers, et nul part ailleurs, elles s’éteindront avec eux. « Plusieurs dizaines de glaciers de par le monde se sont déjà éteints, tout comme les espèces endémiques qu’ils abritaient », précise l’écologue. Cette fonte des glaces impacte également les écosystèmes jusqu’à plusieurs dizaines de kilomètres en aval, comme les plantes qui aiment les névés ou vivent en milieu humide. « Par ailleurs les glaciers fournissent de l’eau et des sels minéraux indispensables à la vie », explique le chercheur.
Les conséquences écologiques, mais aussi physiques et sociales, de l’extinction des glaciers à l’échelle mondiale restent pourtant mal connues. « Malgré l’urgence, aucune étude transdisciplinaire n’a jusqu’alors été menée », constate Olivier Dangles. Alors pour mieux connaître cette biodiversité vouée à disparaître, mais aussi pour mieux appréhender le phénomène dans son ensemble, le chercheur participe au projet « Life without ice » porté par l’IRD et l’Inrae. « L’objectif est de rassembler des scientifiques venant de différents horizons et de différentes disciplines scientifiques afin d’étudier la fonte des glaciers et ses conséquences. »
Un projet qui permettra de mieux connaître cette fameuse cryobiodiversité, notamment en caractérisant les changements d’habitats, mais aussi en cataloguant les espèces menacées et celles qui pourraient être capables de s’adapter. Une ambition qui ne laisse pas de glace, même s’ « il est probable que cette cryobiodiversité disparaîtra avant d’avoir livré tous ses secrets », redoute Olivier Dangles.
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* CEFE (UM – CNRS – IRD – EPHE)