Armelle Caron, les jeux de l’art et du hasard
Arrivée cet automne à l’université, la nouvelle artiste accueillie en résidence entend tisser un lien avec le spectateur en dehors des cadres classiques de l’exposition. Et nous invite à la rêverie et à l’introspection.
N’allez pas demander à Armelle Caron de vous fournir une interprétation de son travail, de révéler le sens caché de ses œuvres ou de détailler le « propos » des dessins, gravures ou autres peintures qui peuplent son univers.
« Je ne crois pas du tout à l’art message, sinon j’aurais fait de la publicité ou écrit des essais » prévient-elle. Difficile donc pour le spectateur de démêler les fils de sa production : dans un monde habitué à reconnaître la valeur d’une chose à son utilité, la démarche d’Armelle Caron a de quoi dérouter. Depuis son arrivée à l’université, la jeune plasticienne n’a d’ailleurs pas manqué de susciter la curiosité chez les membres de la communauté.
Art sans étiquette
Ces rencontres ont inspiré à l’artiste sa première série d’œuvres produites dans le cadre de sa résidence à l’UM : de simples questions, sobrement peintes à l’aquarelle sur fond blanc, que le passant attentif découvrira placardées en différents lieux de l’université. Un artiste est-il un chercheur ? ; Faut-il que l’art réponde à une attente ? ; ou encore L’artiste donne-t-il à voir ou à penser ? Des questions qui, on l’aura compris, n’appellent pas de réponses mais valent par leur seule présence, par leur capacité à nouer un lien aussi inattendu qu’intime avec le spectateur.
Artiste sans étiquette, Armelle Caron se veut aussi sans frontière, elle qui a connu pas moins de 50 lieux de vie et « grandi un peu partout » dans le sillage d’une famille globetrotteuse. Son tableau de bord est aujourd’hui rempli de souvenirs de Berlin, d’Islande ou de Nouvelle-Zélande, entre autres… De cette jeunesse sur la route, celle qui a aujourd’hui jeté l’ancre à Sète a conservé le goût du changement, du voyage et de l’exploration, à pied, en voiture et même en pensée, comme lorsqu’elle se prend à rêver de promenade sur le rivage d’une île néo-zélandaise qui se trouve être, par un hasard poétique, l’exact antipode du lieu où elle vit alors en pleine garrigue…
« Contact direct »
Traversé par la géographie et le rapport à l’espace, le travail d’Armelle Caron se confronte ici à un environnement nouveau, l’université, « agrégation de sites éclatés sans véritable centre ni continuité ». Une « ville dans la ville », surtout vécue par ses usagers comme un lieu de passage mais où, pourtant, se dessine une vie collective bien réelle.
Cette configuration singulière a inspiré à Armelle Caron une méthode de restitution originale : pour parvenir à créer « un contact direct » avec l’usager-spectateur, souvent pressé, rarement intéressé, la jeune femme a décidé d’insérer au hasard, dans les livres de la BU Sciences, des gravures originales réalisées au cours de sa résidence.
« L’université est un lieu où se croisent des étudiants qui s’en vont une fois terminée leur formation, emportant avec eux un savoir qui se diffuse ». Armelle Caron espère qu’il en sera de même de ses œuvres, amenées à rester des années dans l’attente silencieuse d’une rencontre fortuite avec le lecteur… ou jusqu’à ce que le verdict du pilon ne les réduise à néant. Un sacrifice auquel la plasticienne consent volontiers contre la chance infime de recevoir, un jour, des nouvelles d’elle-même par l’intermédiaire d’un inconnu ayant emporté au loin l’une de ses créations…
- Voir aussi : “Les artistes investissent l’université“