« C’est pour ton bien » : une sanction peut-elle réellement être altruiste ?
« L’économie est la science qui étudie le comportement humain en tant que relation entre des fins et des moyens rares susceptibles d’être utilisés différemment ». C’est ainsi que l’économiste anglais Lionel Robbins de la London School of Economics caractérisait l’objet de la science économique dans un célèbre texte de 1932. Même si certaines expériences s’avèrent relativement anciennes, à l’instar des questionnements sur le risque, l’économie dite « comportementale » reste pourtant un champ disciplinaire assez récent. Cela peut sembler paradoxal au regard de cette définition canonique. Elle a néanmoins trouvé sa consécration avec en particulier le « Nobel » d’économie reçu par Daniel Kahneman et Vernon Smith en 2002.
Marc Willinger, Université de Montpellier et David Masclet, Université de Rennes 1
L’année suivante est publié dans Nature un article depuis abondamment cité, fruit des travaux des économistes suisses Ernst Fehr et Urs Fischbacher. Leur idée ? La coopération au sein de notre société reposerait essentiellement sur un mécanisme de « sanction altruiste ». Là où des individus, ceux que les économistes nomment « passagers clandestins », peuvent profiter des efforts de leurs concitoyens sans avoir à mettre la main à la pâte, la menace que peuvent mettre à exécution ceux qui coopèrent semblent suffisante pour dissuader un tel comportement. Mais, si sanctionner représente un coût et ne rapporte rien à l’individu qui se décide à le faire, comment le mécanisme peut-il fonctionner ? Qui prendra l’initiative de la sanction ?
L’expérience de laboratoire conduite par ces deux économistes et décrite dans ce deuxième épisode par Marc Willinger (Université de Montpellier) et David Masclet (Université de Rennes 1) montre que c’est bien là où il y a sanction qu’il y a coopération. Cette sanction semble reposer sur la colère du coopérant se rendant compte que tout le monde n’adopte pas un comportement vertueux. Si la décision de sanctionner vise ainsi à calmer un état émotionnel négatif, l’expression « sanction altruiste » reste-t-elle alors pertinente ? Cela semble en tout cas s’éloigner un peu de la figure du parent qui sanctionne son enfant avec l’argument classique : « C’est pour son bien »…
Marc Willinger, Professeur d’Economie, économie comportementale et expérimentale, Université de Montpellier et David Masclet, Professeur des Universités en économie expérimentale et comportementale , Université de Rennes 1
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.