Des déchets durables

Que faire des déchets radioactifs produits par le nucléaire ? C’est un enjeu de taille quand on sait que certains continueront à émettre de la pendant des centaines de milliers d’années. La solution ? Les isoler et les stocker pour ne pas s’y exposer. Xavier Deschanels, chercheur à l’Institut de chimie séparative de Marcoule*, nous explique comment on prend en charge ces matières particulières.

Si le nucléaire ne représente que 10 % de la production d’électricité à l’échelle mondiale, il arrive largement en tête de la production made in France avec 70 % de l’électricité hexagonale émanant des 18 centrales nucléaires réparties sur le territoire.

Un mode de production qui n’émet que peu de gaz à effet de serre, mais qui laisse un résidu encombrant : les déchets radioactifs. Comment gérer sans risque ces déchets particuliers ? « Tout dépend du type de déchets dont on parle, car en réalité il existe différentes catégories de déchets radioactifs », détaille Xavier Deschanels, chercheur à l’Institut de chimie séparative de Marcoule (ICSM). Ils sont classés selon deux paramètres : l’intensité de leur radioactivité et la durée de vie des radionucléides, ce qui détermine le temps pendant lequel ils vont rester radioactifs. Quel que soit le type de déchet, le principe est le même : les isoler le mieux possible de l’environnement afin de limiter au maximum l’exposition à la radioactivité. Mais les méthodes d’isolement diffèrent selon la catégorie de déchets.

Colis confinés

« L’immense majorité des déchets du nucléaire sont des déchets à vie courte. Ils représentent plus de 90 % du volume total des déchets radioactifs en France, mais seulement 0,03 % de la radioactivité totale », souligne le chercheur. Pour ces déchets la solution choisie est le stockage de surface. « C’est un processus très organisé, on est loin de la simple décharge. Ces déchets sont d’abord conditionnés sous forme de colis, c’est-à-dire qu’ils sont enfermés dans un conteneur en acier ou en béton après avoir subi différents traitements comme l’incinération et le compactage », précise le chercheur.

Ces colis pas comme les autres sont ensuite confinés à la surface de la terre dans des ouvrages de stockage en béton armé. « Ces ouvrages sont ensuite fermés par une couverture définitive composée de plusieurs couches de matériaux naturels comme l’argile afin de les protéger des intempéries et garantir la sûreté du stockage à long terme, puis surveillés pendant 300 ans, délai au-delà duquel ils ne présenteront plus de radioactivité », explique Xavier Deschanels.

Enfouissement en profondeurs

300 ans, c’est une fraction de seconde en regard des milliers d’années pendant lesquelles vont rester radioactifs les déchets dits de haute activité. Si leur activité représente plus de 95 % de l’activité totale des déchets nucléaires, leur volume total ne représente qu’environ environ 0,2 % du volume total de ces déchets. « C’est l’équivalent d’une piscine olympique depuis le début du nucléaire en France », image le chercheur.

Et pour cette catégorie de déchets jugés les plus dangereux, pas question de stockage de surface. La solution ? L’enfouissement en profondeur. Des déchets qui ne sont pas enterrés tels quels mais passent par des processus technologiques complexes. « Au départ ils sont sous forme de liquide hautement radioactifs qu’on va évaporer pour obtenir ce qu’on appelle un calcinat, un véritable concentré de radioactivité qui va ensuite être mélangé à une poudre de verre afin de stabiliser les matériaux inorganiques ».

On obtient au final des colis de verre d’environ 400 kilos chacun qui présentent un tel niveau de radioactivité que leur température avoisine les 350°C, une chaleur qui va mettre une soixantaine d’année à diminuer par décroissance radioactive. « Pour l’instant ils sont conservés dans des piscines refroidies en permanence puis entreposés dans des puits de béton dans l’usine de traitement de la Hague en attendant l’ouverture prochaine du centre industriel de stockage géologique Cigeo à Bure, où ils seront enfouis à 500 mètres de profondeur sur un site géologiquement choisi afin qu’il n’y ait pas de rejet de radioactivité à la surface », détaille Xavier Deschanels.

Transmutation

Quelles sont les autres pistes envisagées pour prendre en charge les déchets nucléaires ? « À l’ISCM nous travaillons à développer des solutions comme par exemple la transmutation qui consiste à extraire certains radionucléides qu’on appelle les actinides mineurs puis à les transformer, par une série de réactions nucléaires, en produits de fission analogues à ceux issus de la fission de l’uranium, qui présentent une radiotoxicité plus faible », complète le chercheur. Un procédé qui nécessiterait de nouvelles installations nucléaires elles-mêmes productrices de déchets qui devraient également être stockés en profondeur.

Autre piste étudiée par les chercheurs : « le recours à des matériaux mésoporeux qui ont la particularité de pouvoir encapsuler les radioéléments. En pratique le liquide radioactif passe à travers une membrane sélective qui garde les radionucléides, la radioactivité va alors effondrer la porosité du matériaux qui va les piéger ». Des innovations qui ne remplaceront pour l’instant pas le principe actuel : « isoler et stocker les déchets nucléaires, ça reste la voie universelle », conclut Xavier Deschanels.


*ICSM (CNRS, CEA, UM, ENSCM)


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