Diversifier la fonction publique avec les Prépas Talents
En septembre prochain, l’institut de préparation à l’administration générale de Montpellier (IPAG) accueillera trois Prépas Talents. Objectifs : lutter contre l’autocensure des jeunes face aux concours et diversifier la haute fonction publique en facilitant l’intégration de publics issus de milieux sociaux moins ou peu favorisés.
En 2019, la proportion d’élèves de l’école nationale d’administration (ENA) ayant un parent ouvrier était de 1 %, en comparaison, la proportion d’élèves ayant un parent exerçant une profession intellectuelle supérieure était en moyenne de 73 %. À l’Institut national des études territoriales (INET), la proportion d’élèves issus d’un milieu intellectuel supérieurétait en moyenne de 67 %.
« Il manque de la diversité au sein de la fonction publique, il existe depuis longtemps un entre-soi qui explique l’autocensure dont sont victimes certains étudiants issus de milieux moins favorisés », constate Nicolas Marty, maître de conférences et directeur de l’Institut de préparation à l’administration générale de Montpellier (IPAG).
Aller plus loin que les CPI
Obstacles psychologiques mais surtout obstacles financiers et matériels, souligne l’enseignant : « Selon l’endroit où nous vivons et les revenus dont nous disposons, nous ne sommes pas égaux face aux études. Ce sont plus souvent les enfants issus des classes moyennes et supérieures qui peuvent se payer les formations et donc intégrer la fonction publique. Il faut aider les étudiants et les structures pour diversifier les publics et aboutir à une véritable égalité des chances. » Pour lutter contre cette reproduction des élites, le Ministère de la transformation et de la fonction publiques et le Mesri mettent en place à compter de la rentrée 2021, soixante-quatorze classes Prépas talents, dont trois à l’IPAG de Montpellier.
« Ces 74 classes représentent 1700 places au niveau national, soit 1000 de plus que dans les classes préparatoires intégrées (CPI), le précédent dispositif qui permettait déjà de recruter nos élèves sur des critères de mérite et de ressources » rappelle Nicolas Marty. La volonté de diversifier la fonction publique n’est en effet pas nouvelle, mais avec les Prépas Talents, le dispositif va plus loin en proposant notamment un doublement des aides à destination des étudiants sélectionnés, qui passent donc de 2000€ par an à 4000€. Une aide cumulable avec les bourses classiques, attribuées sur critères sociaux.
Trois classes spécialisées à Montpellier
De la même manière que chaque école de la fonction publique avait sa propre CPI, les classes Prépas Talents seront en lien direct avec les administrations auxquelles elles préparent les étudiants. Ainsi, Montpellier reconduit son partenariat avec l’Institut régional d’administration de Bastia, référent pour le grand Sud, et avec l’Ecole nationale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (ENCCRF). Une troisième classe sera ouverte en partenariat cette fois avec la Direction départementale des finances publiques de l’Hérault (DGFiP). « Accueillir ces classes Prépas Talents c’est également une chance pour l’UM de renforcer ses partenariats avec des administrations importantes. Cette synergie entre le monde universitaire et le monde professionnel est un vrai facteur de réussite ».
Autre nouveauté par rapport aux anciennes CPI : la mise en place de stages et d’un tutorat renforcé assuré, pour chaque étudiant, par un fonctionnaire en poste. « Il s’agit plutôt de mentors. Nous les choisirons parmi les partenaires actuels de l’IPAG ou parmi nos anciens élèves devenus fonctionnaires, détaille Nicolas Marty. Les stages découvertes seront directement proposés par la formation afin de ne pas introduire d’inégalités entre les étudiants ». Comme pour les CPI par contre, les effectifs restent relativement réduits : 40 étudiants en tout et pour tout à Montpellier sur ces trois classes Prépas Talent afin de favoriser là encore un accompagnement pédagogique et méthodologique renforcé.
Ressources et mérite
Comment seront recrutés ces étudiants ? « Tout d’abord la parité sera favorisée, c’est indispensable, et les candidat.e.s devront présenter un niveau L3 minimum. Ils peuvent venir de BTS, de master, du monde professionnel… Les profils et les âges sont très variés » annonce l’enseignant. Vient ensuite le critère de ressources avec un plafonnement à 33 100€ annuel. « Nous visons deux publics les étudiants boursiers et les demandeurs d’emploi » poursuit Nicolas Marty. Le « mérite » sera également évalué en tenant compte du lieu de résidence, de la charge familiale. « Nous voulons offrir l’égalité des chances à ceux et celles qui rencontrent plus de difficultés pour étudier ». Une volonté en adéquation avec la politique d’égalité des chances et d’insertion professionnelle développée par l’UM.
Avec le soutien du Ministère de la transformation et de la fonction publiques, des moyens matériels seront également mis à disposition des étudiants afin d’éviter qu’une rupture d’égalité puisse se faire à ce niveau : prêt d’ordinateur portable, clé 4G, abonnement à la presse (Le Monde, Les Echos, Acteurs publics…), manuels et livres scolaires… « Bref, tous les moyens que des élèves issus de milieux plus aisés auraient à leur disposition. Le concours en lui-même est très égalitaire puisqu’il est le même pour tout le monde, mais les parcours pour y arriver peuvent-être très différents, conclut Nicolas Marty. Nous verrons rapidement les premières promotions entrer dans les administrations avec un effet plus visible sur le visage de la fonction publique »