[LUM#17] La révolution des ondes TéraHertz
Voir à travers la matière… de la science-fiction ? C’est pourtant une réalité rendue possible grâce aux ondes TéraHertz. Une technologie qui ouvre à de nombreuses applications développées par l’entreprise Terakalis qui permet par exemple de vérifier que les ailes des avions sont intactes. C’est sûr, ça rassure.
Frédéric Teppe a un super-pouvoir. Il peut littéralement voir dans la matière. Un super-héros ? « Plutôt un sociologue des électrons » comme se définit lui-même le physicien. Avec ses collègues du Laboratoire Charles Coulomb*, il étudie depuis des années le comportement de ces particules élémentaires. « Des oscillations de plasma, ou vagues d’électrons, peuvent se propager dans les transistors pour générer ou détecter des ondes électromagnétiques aux fréquences TéraHertz », décrypte le spécialiste. Ces ondes TéraHertz se situent dans le spectre électromagnétique entre les micro-ondes et l’infrarouge. Si l’humanité a longtemps été « totalement aveugle dans cette gamme de fréquence », les dompteurs d’ondes TéraHertz ont fait la lumière sur leurs propriétés hors du commun…
Voir à travers
« Ce sont des ondes non ionisantes qui sont donc sans danger pour la santé et qui possèdent un fort pouvoir pénétrant leur permettant de traverser différents types de matériaux, notamment le tissu, le plastique ou encore les matériaux composites et qui permettent un contraste bien supérieur aux rayons X. » Des propriétés que Frédéric Teppe et ses collaborateurs Wojciech Knap, Nina Dyakonova et Pierre Solignac ont décidé de valoriser en fondant en 2013 la start-up T-Waves Technologies, désormais devenue Terakalis, lauréate de pas moins de 4 prix de l’innovation. Une entreprise d’autant plus remarquée que « c’est assez rare de voir des applications sortir d’un laboratoire de physique fondamentale », note Frédéric Teppe.
Et pour transformer l’essai, il a fallu convaincre les industriels de tout le potentiel des ondes TéraHertz. Si certains se sont montrés frileux au début, ils se sont rapidement rendus compte que cette capacité à sonder l’intimité des matériaux pourrait s’avérer bien utile. « Au cours d’une de nos premières présentations, une de nos collaboratrices a retiré son pendentif qu’elle a mis dans une enveloppe. Nous avons alors montré que notre dispositif permettait littéralement de voir le pendentif à travers l’enveloppe », se remémore Frédéric Teppe.
Contrôle non destructif
La société, qui compte désormais 20 employés, mise aujourd’hui sur cette technologie pour investir le domaine de l’évaluation et du contrôle non destructif de matériaux pour les secteurs scientifiques et industriels. « Jusqu’à présent pour vérifier qu’une pièce était dépourvue de défaut il fallait la détruire pour observer à l’intérieur, grâce aux ondes TéraHertz on peut désormais évaluer très finement la qualité des matériaux tout en les laissant intacts. » La technologie se réserve ainsi une place de choix dans le secteur de l’aéronautique ou de l’automobile, gros consommateurs de matériaux plastiques et composites, que les ondes TéraHertz traversent aisément. « On peut par exemple inspecter les ailes d’un avion ou la carlingue d’un hélicoptère à la recherche d’éventuels défauts », illustre le physicien. Sécuriser les transports, c’est un des nombreux super-pouvoirs des ondes TéraHertz.
Du blé au luxe
Les ondes TéraHertz sont en passe d’envahir notre quotidien et les applications foisonnent. Une révolution en perspective dans le domaine de l’agronomie où elles permettront de connaître le stress hydrique des plantes pour mieux adapter l’irrigation. Dans la chaine de distribution de colis où elles pourront servir à détecter un éventuel contenu dangereux. Dans l’imagerie médicale où elles permettraient par exemple de détecter les ramifications sous-cutanées d’un mélanome au travers de la peau. Dans les télécommunications qui pourraient atteindre des débits inédits. Mais aussi dans le luxe : « nous pouvons par exemple regarder à travers un tube de rouge à lèvre pour voir s’il n’y a pas de bulle dans la pâte et garantir la qualité du produit », explique Frédéric Teppe. Sky is the limit ?
*L2C (CNRS, UM)