« Le paysage de la recherche est en pleine évolution »

Les 30 et 31 août derniers, l’Université de Montpellier accueillait le colloque annuel des vice-présidents et vice-présidentes en charge de la recherche et de l’innovation dans les universités françaises. Une édition 2022 sur le thème des transitions qui aura rassemblé plus de 180 participants. Retour sur cet événement avec Jacques Mercier, vice-président en charge de la recherche à l’UM. 

Quel est l’objectif de ce colloque annuel ?

Cela fait maintenant sept ou huit ans que l’ensemble des VP recherche et innovation sont invités à se réunir pour faire état de ce qui s’est passé dans l’année. C’est une occasion de discuter des réformes en cours et d’échanger sur l’actualité de la recherche, entre nous mais également avec les représentants des grands organismes de recherche. 

Combien de personnes participent à cet événement ?

Nous avons eu plus de 180 participants ce qui est un vrai succès. Nous avons accueilli des VP de toute la France y compris de La Réunion et de la Polynésie. Les PDG des principaux organismes de recherche1 ont eux aussi répondu présent tout comme Manuel Tunon de Lara, le président de France Université (ex-conférence des présidents d’université). 

Le réseau R3SUP organisait son colloque la veille. Qui rassemble-t-il ?
  
Le réseau R3SUP rassemble les gestionnaires administratifs de la recherche.  Ce sont les équivalents d’Anne Bancel qui dirige à l’UM la direction de la recherche et des études doctorales (DRED). Ce réseau se réunit généralement un jour avant ou un jour après et participe également au colloque des VP recherche et innovation.

La ville organisatrice change à chaque édition, pourquoi était-ce intéressant pour l’Université de Montpellier de l’accueillir cette année ?

Nous avons déjà été à Toulouse, Bordeaux, Lille ou encore Paris, il était donc logique que Montpellier s’inscrive parmi ces grandes villes universitaires. Cela souligne notre attractivité, notre dynamisme et notre visibilité dans une année où l’UM a enclenché de grandes transitions. Nous en avons également profité pour mettre à l’honneur des thèmes qui nous sont propres.

Justement le thème choisi pour cette édition était « Une recherche française en transitions ». Alors les transitions peuvent faire référence à beaucoup de choses à commencer par la transition écologique je suppose ?  

L’Université de Montpellier étant très bien placée en écologie nous ne pouvions pas passer à côté de cette dimension-là. La recherche doit poursuivre son effort pour intégrer cette transition dans son quotidien qu’il s’agisse de la gestion des déchets, des consommables ou des fluides, de l’utilisation des plastiques, du recyclage, etc.

Vous parliez des sujets d’actualités, quelles sont les nouveautés de cette année 2021-2022 ?

Lepaysage de la recherche est en plein évolution. La loi de programmation de la recherche qui a été mise en place par le précédent gouvernement, sous le mandat de Frédérique Vidal, bouge pas mal de choses grâce à l’attribution de nouveaux moyens pour la recherche. Il y a des discussions en cours sur le rôle que doivent jouer les universités avec les organismes de recherche, il y a des réformes portant sur le doctorat notamment, il y a l’apparition des chaires de professeurs juniors…

En quoi consiste la réforme du doctorat ?

Il y a d’abord eu la revalorisation des rémunérations des contrats doctoraux et plus récemment il y a un nouveau décret qui est sorti quasiment au moment du colloque et qui prévoit l’apparition d’un contrat doctoral de droit privé. C’est-à-dire que le doctorat pourra maintenant être réalisé dans des entreprises privées. Il est encore un peu tôt pour parler des modalités mais nous travaillons dessus.

Et les chaires de professeurs juniors, qu’est-ce que c’est ?

Il s’agit de nouveaux contrats permettant de recruter un enseignant-chercheur ou une enseignante-chercheuse pour une durée de 3 à 6 ans et qui, après une évaluation, pourra être nommé(e)  professeur(e). C’est quelque chose de très intéressant pour les carrières d’autant qu’ils disposent en plus d’un budget de 120 000 euros pour s’installer dans un laboratoire de recherche.

La recherche en transition c’est aussi une évolution vers plus d’interdisciplinarité. C’est une nouvelle façon de travailler pour les chercheurs ?

Oui incontestablement et c’est une chose extrêmement intéressante qui fait naître des thématiques et des champs nouveaux. Néanmoins, cela ne doit pas se faire au détriment de la recherche purement fondamentale. Il faut savoir conjuguer les deux et il ne fautpas ignorer les nouvelles questions que pose cette recherche interdisciplinaire.

C’est-à-dire ?

L’interdisciplinarité peut parfois rendre un peu plus complexe l’exécution de certains projets et surtout leur évaluation. Il faut donc bien la structurer pour pouvoir la réaliser sans faire baisser le niveau de la recherche.

Pensez-vous que la société civile attende de la science aujourd’hui qu’elle soit plus appliquée, qu’elle relève davantage de défis notamment en lien avec la crise écologique ?

Oui on parle d’ailleurs beaucoup de sciences participatives. La recherche et la science doivent être en relation avec la société : c’est une absolue nécessité et d’ailleurs la recherche travaille depuis longtemps pour apporter des solutions. Mais là encore pas au détriment d’une recherche purement fondamentale qui doit toujours exister pour l‘évolution des savoirs.

Lors de ce colloque vous avez également évoqué la recherche tournée vers les Suds, pourquoi ?

Nous avons la chance d’avoir l’IRD et le Cirad à Montpellier et de pouvoir, avec eux, nous positionner fortement sur la recherche partenariale avec les Suds.  Nous tenions vraiment à profiter de ce colloque, et de la visibilité qu’il nous offre, pour réaffirmer notre orientation en ce sens. 

Le président a également évoqué la transition institutionnelle avec le passage de l’UM en établissement public expérimental (EPE). Qu’est-ce que cela change pour la recherche ?

Cela change beaucoup de choses évidemment. La pérennisation de l’I-SITE Muse et son intégration dans l’établissement public expérimental a permis de renforcer les liens entre l’Université et les organismes de recherche et par la même occasion de rapprocher les communautés de chercheurs et chercheuses. Moi qui suis quand même un ancien VP je peux le dire :  l’I-SITE et la transformation en EPE ont fait naître à Montpellier un dialogue beaucoup plus intense entre les organismes et les acteurs de la recherche.

Quel est l’intérêt d’un tel colloque pour l’Université de Montpellier ?

Un tel colloque permet d’affirmer notre attractivité et notre visibilité comme je l’ai dit mais ce n’est pas l’enjeu principal de cet événement.  Nous VP n’avons pas souvent l’occasion d’échanger entre nous aussi facilement et ce n’est pas tous les jours qu’on rassemble autour d’une même table le président de France Université et les présidents et PDG d’organismes de recherche. Cela donne lieu à des discussions extrêmement riches sur le fonctionnement de la recherche et de l’université. Mais si les gens font bien sûr le déplacement pour le programme, ils le font aussi pour partager un grand moment de convivialité, permettre des échanges informels c’est essentiel aussi.

  1. Antoine Petit pour le CNRS, Gilles Bloch pour l’Inserm, Valérie Verdier et Elisabeth Clavery de Saint Martin pour l’IRD et le Cirad, Philippe Mauguin pour l’INRAE ou encore Bruno Sportisse pour l’INRIA. ↩︎