[LUM#18] Le plastique c’est dramatique

Surpêche, réchauffement climatique, acidification des eaux… Les temps sont durs pour les poissons qui sont de moins en moins nombreux à arpenter les océans. À ces menaces s’en ajoute une autre : le plastique. Des chercheurs ont exploré les effets de l’exposition aux microplastiques et montrent que ces toutes petites particules ont des conséquences sur la faune marine inversement proportionnelles à leur taille…

« Quand on pense à la pollution plastique on voit souvent les images de tortues ou de poissons étouffés par des gros débris, mais il y a un autre problème avec les plastiques : ils se dégradent en particules parfois à peine visibles, les micro et nanoplastiques qui peuvent avoir des effets sur le métabolisme des poissons, en partie dûs au fait qu’ils véhiculent des additifs et des polluants », expliquent Marie-Laure Bégout et Xavier Cousin, chercheurs au laboratoire Marbec*. Un cocktail de substances diverses parmi lesquelles l’acide perfluoro-octane sulfurique, utilisé comme retardateur de flamme dans les plastiques, le benzophénone-3, qui fait office de filtre UV dans les crèmes solaires ou encore le benzo(a)pyrène contenu dans des dérivés pétroliers. « Autant de polluants que l’on retrouve de la surface au fond de l’eau car ils sont présents sur des plastiques qui flottent comme le polyéthylène, mais aussi sur des plastiques plus
denses qui coulent au fond de l’eau comme le PVC »
, précise Xavier Cousin.

Pour mieux cerner les conséquences provoquées par ces substances, les chercheurs ont exposé en laboratoire un poisson, le medaka marin, à des particules de plastique enrobées ou non de ces trois polluants. « Nous avons ainsi pu étudier leurs effets à des concentrations similaires à celles que l’on retrouve dans leur milieu tout au long du cycle de vie de l’animal », souligne Xavier Cousin.

Réduction de croissance

Premier constat : une réduction de la croissance des poissons de 20 à 35 %. « Ces effets sont bien plus importants au bout de 4 mois d’exposition qu’au bout de 2 mois, ce qui souligne l’importance de mener des études à long terme pour évaluer la toxicité des microplastiques », précise Xavier Cousin. Une réduction de croissance plus marquée chez les femelles, « probablement en raison de leurs besoins énergétiques plus élevés que ceux des mâles lors de la reproduction », complète Marie-Laure Bégout.

La reproduction, un processus qui semble d’ailleurs la cible privilégiée de ces perturbateurs. Les chercheurs ont en effet constaté que les femelles exposées pondent moins d’œufs, un phénomène qui peut entraîner jusqu’à 50 % de chute du taux de reproduction habituel. « Chez le medaka marin, l’exposition à presque tous les microplastiques induit un retard dans le déclenchement de la ponte et une diminution du nombre d’œufs produits par femelle et par jour », complètent les chercheurs. Ces derniers ont également constaté que les effets étaient variables selon le type de plastique et de polluant et pouvaient même affecter les larves de la génération suivante. « Lorsque les poissons sont exposés à un plastique de type PVC additionné de benzophénone-3, on observe des troubles du comportement chez la progéniture au stade larvaire ».

Évaluation des risques

Si toutes ces conséquences suffisent à conduire à de graves dysfonctionnements écologiques, les résultats de cette étude sous-évaluent encore probablement la réalité : « en laboratoire les poissons sont chouchoutés, mais dans leur environnement naturel ils sont exposés à d’autres pressions : prédation, pêche, autres polluants. La pollution microplastique vient s’ajouter à ces facteurs qui sont tous de nature à poser problème aux poissons », déplore Marie-Laure Bégout.

Chaque année, 8 à 10 millions de tonnes de plastique finissent dans les océans. 10 % flottent sous la forme de micro-déchets potentiellement vecteurs de polluants en tout genre. « Nous recommandons donc d’inclure ce mode de transfert de polluants dans l’évaluation des risques écotoxicologiques des microplastiques, concluent les chercheurs. Comprendre les mécanismes sous-jacents aux perturbations biologiques permettra également d’évaluer dans quelle mesure ces effets peuvent être généralisés à tous les types de microplastiques, afin par exemple de prioriser le contrôle des
émissions. »

Fragments éternels

Ce sac plastique en polyéthylène que l’on vient de laisser s’envoler à la mer, finira-t-il par disparaitre ? « Il mettra plusieurs centaines d’années à se dégrader complètement par contre il se fragmente rapidement en particules de plus en plus petites. », répond Matthieu George. Avec sa collègue Pascale Fabre, le chercheur du laboratoire Charles Coulomb** étudie les processus de dégradation de ces polymères. « Sous l’effet conjugué de l’eau, des UV et des contraintes mécaniques exercées par les vagues, un morceau de sac plastique mettra environ 10 ans à se dégrader en minuscules fragments, les fameux microplastiques de taille inférieure au millimètre », détaille Matthieu George. Hélas une fois cette taille atteinte le processus de fragmentation ne s’exerce plus et ces particules de plastiques peuvent persister pendant… une éternité. « On les trouve désormais absolument partout dans les océans, du Nord au Sud et du fond à la surface. Cette pollution invisible est bien pire que la pollution plastique visible, car ces microplastiques ne vont pas disparaitre et on ne peut pas les récupérer dans l’eau », déplore le chercheur. Et les plastiques biodégradables ? « Ce n’est pas la solution miracle car le milieu océanique n’est pas du tout favorable à leur dégradation qui n’a lieu que dans des conditions très spécifiques », souligne Matthieu George. Alors comment faire pour déplastiquer les océans ? « Si certaines recherches sont en cours pour mettre au point de nouveaux matériaux, il n’y a pas de miracle à en attendre, la seule solution c’est d’éviter que ces plastiques n’arrivent dans les mers et les océans en réduisant leur production mais aussi en améliorant la collecte des déchets », conclut le chercheur.


*Marbec (UM, IRD, CNRS, Ifremer)
**L2C (UM, CNRS)


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