L’économie bleue peut-elle atténuer la pauvreté et l’exode rural dans l’Afrique de l’Est ?

L’Université de Montpellier brille encore sur la scène internationale. David Mouillot, professeur à l’UM et chercheur au laboratoire MARBEC (Marine biodiversity exploitation and conservation) vient d’obtenir une bourse ERC Advanced. Ce financement de 2,5 millions d’euros sur 5 ans va lui permettre de conduire une recherche originale et transdisciplinaire pour évaluer le potentiel des ressources marines côtières dans les régions rurales d’Afrique de l’Est touchées par l’aridification des terres depuis une trentaine d’années.

Atténuer la pauvreté et l’exode rural en Afrique de l’Est grâce à l’économie bleue

Le projet s’articule autour d’un constat : au cours des trois dernières décennies, particulièrement marquées en Afrique de l’Est par la désertification des terres et les catastrophes naturelles, les villages côtiers et ruraux ont mieux atténué la pauvreté et l’émigration en développant une économie bleue durable capable de fournir des ressources et des moyens de subsistance alternatifs.

L’économie bleue désigne les activités économiques liées aux océans et à leurs littoraux. L’étude de David Mouillot combinera imagerie satellitaire, algorithmes d’intelligence artificielle et méthodes statistiques d’appariement spatial avec des enquêtes pluridisciplinaires sur le terrain. Le projet va se focaliser sur trois types d’économie bleue (la pêche artisanale, l’écotourisme et l’aquaculture) et trois pays (Madagascar, Tanzanie et Mozambique) où les ressources agricoles sont menacées par le changement climatique et où les enjeux de développement durable sont parmi les plus critiques au niveau mondial. 

Le lien causal entre la mise en place d’une économie bleue et la dynamique à long terme de la pauvreté et de l’exode rural reste un territoire inexploré dans le domaine de la recherche internationale. L’objectif est de mieux comprendre dans quelle mesure les communautés côtières d’Afrique de l’Est ont pu s’adapter aux conséquences du changement climatique sur leurs terres en diversifiant leurs activités vers la mer. Les résultats pourront générer de nouvelles connaissances et solutions locales pour guider les politiques et l’investissement en Afrique (interventions de l’UE, organisations des Nations unies, donateurs, organisations non gouvernementales).

Une première année déjà décisive

David Mouillot recrutera un ingénieur de recherche sur les techniques de l’intelligence artificielle appliquée à l’imagerie satellite, une ingénieure d’étude en système d’information géographique, une ingénieure en télédétection et enquêtes sur le terrain et une stagiaire du Master Gestion de l’environnement et de la biodiversité (parcours Aquadura). Son équipe sera bientôt renforcée par un postdoctorant en socio-économie quantitative et un informaticien systèmes. Il s’agira de mener de front deux tâches principales : modéliser avec précision le niveau de pauvreté et de densité de population en Afrique rurale depuis les années 1990 à nos jours et cartographier les activités d’économie bleue sur les littoraux malgaches, tanzaniens et mozambicains. Ces tâches s’effectueront principalement grâce à l’imagerie satellite, la télédétection et l’intelligence artificielle en collaboration avec plusieurs partenaires des laboratoires montpelliérains (MARBEC, LIRMM, ESPACE-DEV) mais aussi internationaux. Cette première année sera aussi dédiée à l’organisation de séminaires sur les thèmes du projet avec les spécialistes du domaine.

Le financement ERC

Le Conseil européen de la recherche (ERC) finance des projets de recherche exploratoire, aux frontières de la connaissance, dans tous les domaines de la science et de la technologie. Il s’agit d’un appel extrêmement compétitif dont le seul critère est l’excellence scientifique.

La candidature de David Mouillot a été principalement motivée, malgré le très faible taux de succès, par la perspective d’une recherche sur un temps long (5 ans) avec un financement conséquent et flexible. En effet l’enveloppe de 2,5 millions d’euros permet à la fois d’acquérir les équipements nécessaires, ici du matériel informatique de pointe, de construire une équipe de 6-7 personnes complémentaires dédiées au projet et de pouvoir réaliser des enquêtes socioéconomiques mais aussi des relevés écologiques sur le terrain.

Le portrait de David Mouillot

Issu d’une double formation en écologie et modélisation, David Mouillot entre à l’Université de Montpellier en 2001 pour étudier la dynamique des systèmes marins dans le contexte du changement global grâce à une approche pluridisciplinaire. Il a été membre junior de l’Institut universitaire de France (IUF) de2009 à2014, puis membre senior de 2019 à2024. Il a également obtenu une bourse européenne Marie Curie pour séjourner deux ans en Australie à l’Université James Cook (2010-2011) et mieux quantifier les changements socio-écologiques sur les systèmes coralliens. Depuis cette période, David Mouillot travaille sur les écosystèmes côtiers globaux afin de mieux comprendre les effets croisés du changement climatique et des facteurs socio-économiques, y compris les aires marines protégées, sur la biodiversité et ses contributions aux populations humaines. Ses recherches ont été récompensées par une médaille de bronze du CNRS (2011). Plus récemment, David Mouillot a développé de nouveaux outils en ADN environnemental pour mieux étudier la biodiversité côtière avec la création d’un laboratoire commun (ANR LabCom 2021-2025) entre MARBEC et la société SpyGen. Son nouveau financement ERC Advanced se situe à l’interface homme-nature (2025-2029) pour mieux prédire le lien entre santé des écosystèmes et pauvreté dans les sociétés rurales côtières.