Les têtes chercheuses de l’UM remportent l’or à Boston
Pour la deuxième année consécutive, une équipe d’étudiants de l’UM remporte une médaille dans le cadre de l’IGEM, la grande compétition internationale de biologie synthétique proposée par le MIT.
Les 14 étudiants, qui étaient à Boston le 5 novembre dernier, ont travaillé sur un nouvel outil moléculaire médical. Un ciseau à protéines qui pourrait trouver de nombreuses applications thérapeutiques. Nom du projet : Karma !
Venu du sanskrit, le terme karma pourrait se traduire par « action ». Un mot qui résume bien l’énergie de cette nouvelle équipe montpelliéraine qui a participer au prestigieux concours « International Genetically Engineered Machine competition » (IGEM). A Boston elle a défendu son projet face aux 340 équipes sélectionnées dans 40 pays, parmi lesquelles on retrouve celle de Stanford ou d’Oxford.
Elsa Frisot est en thèse au Centre de biochimie structurale (CBS), elle a participé au concours l’an dernier avec le projet Vagineering et a souhaité renouveler l’expérience en tant qu’encadrante cette fois. « Nous avons sélectionné les candidats sur dossier en janvier. Il y a beaucoup de biologistes qui postulent mais tous les étudiants peuvent participer, nous avons besoin d’informaticiens, de communicants, de juristes, de graphistes… »
Cibler les protéines
Une fois l’équipe constituée, les quatorze jeunes chercheurs ont dû élaborer un projet de recherche. C’est en s’inspirant de l’outils CRISPR cas 9, un ciseau génétique permettant de cibler et de découper une séquence d’ADN spécifique, que leur est venue l’idée de concevoir un outil moléculaire fonctionnant comme un ciseau à protéines.
« Dans beaucoup de pathologies comme le cancer ou la maladie d’Alzheimer, la recherche a identifié le rôle joué par certaines protéines dans le développement de la maladie », explique Thomas Bessede, étudiant en master 1 BIOTIN (Master Biologie santé). Les médicaments actuels font appel à des molécules chimiques pour les dégrader ». Problème, celles-ci ne se contentent pas toujours de détruire les protéines incriminées et provoquent donc des effets secondaires.
Des molécules capables de dégrader les protéines existent aussi dans notre corps, ce sont les protéases. Certaines d’entre elles sont très spécifiques et permettent de cibler efficacement un type de protéine. « Malheureusement, détaille Elsa Frisot, on n’a pas de protéase spécifique pour chaque type de protéine, il existe bien des protéases aspécifiques mais là aussi elles risquent d’entraîner des effets secondaires. »
Une tête-chercheuse
Les étudiants ont alors imaginé une association entre ces protéases non spécifiques et des anticorps, dont la force est d’être vraiment conçus pour cibler une protéine. « Aujourd’hui en labo on est capable de concevoir des anticorps pour tout. Chaque anticorps a la capacité de se fixer sur une cible précise grâce à une petite partie qu’on appelle le VHH », décrit Thomas Bessede. Un VHH fonctionnant comme une sorte de « tête-chercheuse » que l’équipe IGEM a donc fusionné avec la protéase afin d’amener celle-ci jusqu’à la cible voulue.
Pour tester ce concept en laboratoire, et prouver que leur ciseau était bien capable de couper une protéine à l’endroit voulu, les biologistes n’ont disposé que de trois mois, un vrai défi ! Ces derniers ont utilisé la GFP, une protéine capable de diffuser une lumière fluorescente verte, à laquelle ils ont ajouté un petit tag bloquant cette fluorescence. « Notre VHH était conçu pour cibler un motif spécifique placé sur le tag. L’objectif était de guider notre protéase sur ce tag afin de le dégrader et de permettre à la GFP de briller à nouveau. C’est ce qui s’est produit, on a donc fait la preuve de concept » se réjouit Thomas.
La preuve de concept
L’expérience a ensuite été confirmée en utilisant le même VHH mais en remplaçant cette fois la GFP par une autre protéine. « Comme notre VHH était fait pour cibler spécifiquement la GFP, il ne devait pas avoir d’effet. Là encore nous avons confirmé notre preuve de concept » conclut le biologiste.
Si face à la concurrence des grandes universités anglo-saxonnes, les Montpelliérains ne s’attendaient pas à recevoir le Grand prix, ils visaient néanmoins une médaille d’or. C’est donc chose faite ! « C’est un beau projet et nous avons rempli tous les critères ! » Des critères qui ne s’arrêtent pas à la dimension scientifique du projet. Le concours du MIT souhaite également valoriser d’autres aspects de la recherche, tels que la recherche de fonds auprès de partenaires privés et publics, la construction d’un site internet ou encore la communication scientifique.
Un « caravatour »
« Tout l’été, nous avons fait la promotion de la science auprès du grand public en sillonnant la région à bord d’une caravane » explique Elsa Frisot. L’équipe a également assuré le volet écologie en réalisant, en partenariat avec des étudiants de Nantes, une œuvre d’art éducative à partir de tous les déchets générés par leurs expériences. « En seulement trois semaines, nous avons générés 20 kg de plastique. La science pollue beaucoup, nous avions aussi envie de sensibiliser à cet aspect moins connu de la recherche » souligne Thomas Bessede.
Reconnu et récompensé, le projet KARMA patiente désormais dans les frigos du CBS avec l’espoir qu’un chercheur motivé prolonge l’expérience pour développer pleinement son potentiel. Une aventure à retrouver sur le site de l’IGEM 2019.