[LUM#1] L’âge mur des sciences participatives

Longtemps considérées avec méfiance par les chercheurs, les sciences participatives ont gagné leurs lettres de noblesse dans la communauté scientifique.

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Ils passent des centaines d’heures dans la nature à observer les oiseaux, recenser les papillons, dénicher les insectes, identifier les plantes. Et pourtant ils ne sont pas ornithologues, entomologistes ni botanistes professionnels. Leur point commun ? Ces amoureux de la nature mettent leur passion au service de la recherche scientifique. C’est le principe des sciences participatives. « Aujourd’hui le savoir s’élabore aussi avec la contribution du grand public, précise Vincent Devictor de l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier. Les citoyens apportent leurs compétences, leur énergie, leurs savoir-faire : des valeurs ajoutées qui s’avèrent précieuses ». Véritable pionnier en la matière, l’écologue a réalisé il y a 10 ans sa thèse sur l’impact des perturbations des paysages sur les oiseaux en utilisant uniquement des données récoltées par des bénévoles.

Une mine d’or de données

Un principe qui a longtemps rencontré une certaine défiance dans la communauté scientifique. Pourquoi faire confiance à des observateurs qui ne sont pas des scientifiques reconnus ? Comment savoir si ces données sont fiables ? « Bien sûr il y a des limites : il existe des erreurs, des imprécisions, des incertitudes, mais nous mettons en œuvre des outils statistiques qui permettent de corriger ces biais et nous assurent que les données sont scientifiquement pertinentes », explique Vincent Devictor. De quoi balayer les doutes de la plupart des chercheurs qui reconnaissent désormais l’intérêt de cette démarche. « On est entrés dans l’âge mûr des sciences participatives », se réjouit l’écologue. La preuve ?  Depuis 2004 l’indicateur de développement durable utilisé au niveau ministériel repose sur des données récoltées par des citoyens bénévoles.

Aujourd’hui les programmes de sciences participatives se multiplient et les bénévoles cumulent des milliers d’heures d’observation de la nature. Cette mine d’or, encore faut-il savoir l’exploiter. « Il ne suffit pas d’avoir des données pour créer de l’information, met en garde Vincent Devictor. Il faut aussi poser les bonnes questions scientifiques pour extraire l’information pertinente ». Et pour éviter l’ensevelissement sous une avalanche de données…

Les herbonautes, un projet ludique et collaboratif

Créer une base de données scientifique à partir de millions de photos de plantes provenant des herbiers français, c’est l’objectif des herbonautes. Quand la plante a-t-elle été récoltée ? Où ? Par qui ? Autant d’informations précieuses écrites à la main sur des étiquettes. Pour recenser ces éléments dans une gigantesque base de données publique, le Muséum national d’Histoire naturelle fait appel aux bonnes volontés des amateurs de botanique ou des simples curieux. Une tâche ardue qui prendrait 500 ans si elle était réalisée par une seule personne !  « Ce projet a réussi à transformer un travail rébarbatif en quelque chose de ludique que tout le monde peut accomplir », souligne Florent Arpin-Pont. L’herbonaute bénévole a décrypté une centaine de planches de sapindacées de Nouvelle-Calédonie. Une contribution précieuse pour Jérôme Munzinger, le botaniste responsable de cette mission. « Ça allège considérablement notre propre travail de saisie de données pour nous permettre de nous recentrer sur d’autres recherches ».

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