[LUM#10] Êtes-vous polychronique ou monochronique 

Sensation de ne jamais en voir le bout ou de ne pas avoir assez d’heures dans une journée ? Tendance à se disperser ou au contraire à focaliser ? Et si nous apprenions juste à vivre selon notre propre rythme ?Andréa Gourmelen, chercheuse en marketing, décrypte l’influence de notre rapport au temps sur nos comportements quotidiens.

« Aujourd’hui le rapport au temps est une variable centrale, explique Andréa Gourmelen, chercheuse au laboratoire Montpellier recherche en management (MRM). Un temps, on nous disait d’aller vite. Maintenant avec la tendance du slow life, on nous dit qu’il faut ralentir, mais personne ne nous invite à suivre notre propre rythme ». Un rythme individuel que la chercheuse n’hésite pas à comparer « à un trait de personnalité, un rapport subjectif que chaque individu entretient avec le temps ».

Un trait de personnalité

Andréa Gourmelen décrit notamment deux profils types de personnalité : le polychronique et le monochronique. « Le premier va aimer faire mille choses à la fois et sera très efficace de cette façon. Le second va préférer finir une chose avant de commencer la suivante. Il n’y a pas de méthode meilleure qu’une autre, il faut juste suivre celle qui nous correspond le mieux ».

Sauf qu’à l’heure où magazines, blogs et autres coachs y vont tous de leurs petites astuces pour nous expliquer comment mieux gérer notre temps, pas si simple de savoir encore décrypter et respecter sa nature profonde. Pour réaliser leurs études et établir nos profils, les marketeurs travaillent donc à partir d’échelles. Des items sont proposés aux personnes interrogées qui devront y répondre selon leur degré d’adhésion. « Sur une échelle de 1, quand ils sont tout à fait d’accord, à 5 quand ils ne le sont pas du tout. Par exemple : je préfère travailler sur plusieurs projets chaque jour, plutôt qu’en finir un seul puis passer au suivant » détaille la chercheuse.

À l’issue du test, le nombre de points cumulés oriente vers l’un ou l’autre profil. « On peut très bien n’être d’accord qu’avec seulement trois ou quatre items sur six, précise Andréa Gourmelen, l’idée étant de définir un trait de personnalité général en fonction de son degré de polychronicité. »

Temps et consommation

Un rapport au temps que les sociétés modernes questionnent plus facilement en termes de planification des tâches ou de productivité mais qui conditionne au final une grande partie de nos comportements et de nos modes d’action comme l’explique la chercheuse : « Notre rapport au temps est individuel comme un trait de personnalité mais il est également multifacettes. Il influence notre manière de faire les courses, nos pratiques sportives, notre alimentation ou encore notre usage des applications numériques. »

Autant de situations et d’approches dans lesquelles « la variable temps » peut s’avérer pertinente ou révélatrice et qui suscite l’intérêt des chercheurs en marketing depuis plus de 25 ans. « Il existe une littérature foisonnante sur ce sujet dans notre discipline » explique Andréa Gourmelen. Une littérature qu’elle et sa consœur de l’Université de La Rochelle, Jeanne Lallement, ont souhaité rendre plus abordable en publiant dans la revue Recherche et applications en Marketing « une synthèse des 198 articles étudiant l’influence de cette variable sur nos comportements de consommation ». De quoi passer… du bon temps.

Lire aussi :

Ralentir…ou trouver son rythme ?, 2018, in The Conversation

Le temps qui reste

Comment la perception du temps restant à vivre influence-t-elle l’engagement bénévole des personnes retraitées ? C’est avec cette approche originale qu’Andréa Gourmelen, alors en thèse, commence à introduire la variable temps dans ses recherches. Une étude en marketing social visant à améliorer la qualité du bénévolat dans les associations. « On pense souvent, à tort, que les retraités font du bénévolat car ils ont beaucoup de temps à donner alors qu’au contraire ils ont souvent la sensation de manquer de temps au quotidien. »

Trois ans et quelque 700 questionnaires plus tard, elle met en évidence la relation entre le bénévolat et ce qu’elle formule comme « le rapport au temps restant à vivre chez les personnes âgées ». Un rapport au temps et à son accélération perçu là encore de manière très individuelle et subjective. « Il y en a que la conscience de la mort va plonger dans le regret et la nostalgie de tout ce qu’ils n’ont pas fait et d’autres que ça va booster pour faire plein de choses parce qu’ils estiment qu’ils n’ont plus beaucoup de temps et veulent en profiter. C’est vraiment très personnel » conclut la chercheuse.

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