[LUM#11] Relever le défi de l’e-santé
Près de vingt ans après l’émergence du numérique dans le secteur hospitalier, le bilan du dossier patient informatisé reste mitigé. Un outil conçu pour faciliter le travail des professionnels de santé dont l’usage n’est pas encore optimisé, comme l’explique Roxana Ologeanu-Taddei, chercheuse en sciences de gestion et co-responsable recherche de la Chaire E-santé de la fondation de l’Université de Montpellier.
À l’hôpital plus que n’importe où, l’accès à l’information peut être une question vitale. Le dossier patient informatisé (DPI) permet de centraliser sur une interface unique toutes les informations relatives à la prise en charge du patient. Antécédents, traitements en cours, prescriptions, examens cliniques… Bref un partage d’informations entre services à portée de clic, qui pourrait garantir aux professionnels de santé « un vrai gain de temps pour trouver l’information pertinente, et in fine une meilleure prise en charge pour le patient » explique Roxana Ologeanu-Taddei, chercheuse au laboratoire de recherche en management de Montpellier (MRM) et enseignante à Polytech.
Une problématique internationale
Cette spécialiste des systèmes d’information accompagne depuis 2013 les professionnels de santé dans l’utilisation du DPI en leur apportant des « connaissances actionnables, c’est-à-dire utiles pour la pratique ». Un accompagnement nécessaire puisqu’en dépit de ses nombreux avantages « l’utilisation du dossier patient informatisé reste très largement en dessous de ses capacités », constate la chercheuse qui a observé pendant plusieurs mois les médecins du CHU de Montpellier.
Principal obstacle à l’utilisation de cette technologie, le manque d’« interopérabilité », autrement dit de compatibilité avec les différents logiciels utilisés par les professionnels de santé, obligeant ces derniers à ressaisir leurs informations plusieurs fois. « Il faudrait imposer des normes aux éditeurs de logiciels et les faire contrôler par une agence de certification liée au ministère de la santé, comme dans l’aéronautique par exemple » préconise Roxana Ologeanu-Taddei.
S’approprier les logiciels
Autre problème : le manque d’ergonomie de ces logiciels, rendant parfois les informations difficiles à trouver. « Il faudrait avoir une personnalisation très forte de l’interface, pour répondre aux spécificités des différentes spécialités hospitalières avec une réelle prise en compte de leurs pratiques » explique la chercheuse En collaboration avec deux médecins du CHU, elle propose désormais un diplôme universitaire dispensé à la Faculté de médecine de Montpellier-Nîmes intitulé Transition numérique des soins.
Les attentes liées à la télémédecine et la e-santé
Au-delà du DPI, la rencontre du numérique et de la santé fait néanmoins émerger denombreux projets prometteurs en télémédecine. Roxana Ologeanu-Taddei co-dirige deux thèses de doctorat portant sur la conception et l’évaluation de deux applications mobiles, en partenariat avec des médecins du CHU de Montpellier. L’une concerne la téléréhabilitation, permettant le développement des soins à distance. L’autre porte sur une carte numérique, Vigicard, pour la traçabilité et le partage de l’information sur les allergies médicamenteuses « Je suis très enthousiaste par rapport à ces nouveaux projets que la recherche sur le numérique en santé peut éclairer pour favoriser leur succès », conclut-elle.