[LUM#2] Chasseurs de pierres
Au cœur de la Lozère, les lauziers perpétuent un savoir-faire plusieurs fois millénaire. Avec l’aide des géologues et de leurs outils de haute technologie.
Agenouillé au milieu de la carrière, l’homme martelle une roche de plusieurs centaines de kilos. De ce géant aux veines brunes, il extrait des feuilles de quelques centimètres d’épaisseur, des lauzes qui serviront à confectionner des toitures. Un savoir-faire ancestral qui ne souffre pas l’imprécision. La lauze, ça peut casser comme du verre…
« Il faut connaître la pierre, la sentir, pour ne pas la briser », explique Roland Jacques. Ses outils ? Une simple masse, et une oreille exercée. « On fait sonner la pierre. On l’écoute chanter, pour savoir si elle présente une faille ». Son métier ? Carrier. Une profession en voie de disparition : dans son village de Lachamp, en Lozère, Roland Jacques exploite une des dernières carrières de lauzes de la région.
Mieux détecter les gisements
« Quand on creuse on ne sait jamais trop sur quoi on va tomber », explique Roland Jacques. Le jackpot : tomber sur de grands pans de pierre intacte qui seront taillés en belles lauzes. Malheureusement le carrier a parfois la mauvaise surprise de mettre à jour des roches brisées, inutilisables. « Les formations sédimentaires identifiées à Lachamp sont affectées par une fracturation tardive qui rend aléatoire la qualité de la pierre extraite », explique Cédric Champollion, géologue au laboratoire Géosciences Montpellier.
Comment aider les carriers à mieux détecter les gisements ? Romain Duhamel, étudiant en master géosciences a relevé le défi. « Nous avons cherché à déterminer les zones les moins fracturées à partir de prospections géophysiques ». Les carriers font chanter la pierre ? Lui va la faire parler. Ses outils : le géoradar et le sondage électrique.
Le radar au secours du marteau
« Le géoradar envoie dans le sol des ondes qui se propagent différemment en fonction de la nature de la roche. En analysant leur propagation on peut donc estimer l’état du sous-sol » explique Romain Duhamel. Même principe pour le sondage électrique : à l’aide d’électrodes, le géologue injecte du courant qui permet, en mesurant la résistivité du sous-sol, de détecter la présence éventuelle de fractures.
« C’est la première fois qu’une telle méthode est utilisée », explique Romain Duhamel. Avec succès : « elle a donné des résultats tout à fait cohérents quand on a comparé les profils obtenus avec l’état des roches visibles en surface », se réjouit l’étudiant en géologie. « Ça m’aide à savoir où attaquer précisément le travail sur ma carrière », apprécie Roland Jacques. « C’est tout simplement extraordinaire pour nous les lauziers, on n’aurait jamais eu ces informations autrement. Et si demain un jeune veut ouvrir une nouvelle carrière il aura besoin de ça. » Pour perpétuer une tradition et un savoir-faire inestimables et faire que longtemps encore on appelle les habitants de Lachamp les coperoches, « les coupeurs de pierres ».
Retrouvez les podcasts de l’UM désormais disponibles sur votre plateforme favorite (Spotify, Deezer, Apple podcasts, Amazon Music…).