[LUM#5] Mon prof, ce champion

Champion d’Europe 2010 du décathlon, Romain Barras goûte une tranquillité retrouvée, loin de la compétition mais jamais très éloigné des pistes. A 36 ans, le calaisien savoure son quotidien de professeur à l’UFR STAPS et les joies simples d’une pratique de loisir.

© UM – R. Le Roux

Il a donné 15 ans de sa vie à une discipline qui est peut-être la plus exigeante de l’athlétisme : 10 épreuves combinant sprint, course de fond, sauts et lancers, le tout à boucler en deux jours et avec le sourire. Si possible… Ainsi va le quotidien des décathloniens, ces « hommes forts » comme on les surnomme, des dieux du stade qui forcent le respect. Rares en effet sont les sportifs capables de boucler un 100 mètres en 11 secondes, d’effacer 5 mètres à la perche et d’envoyer le javelot voltiger au-delà des 65 mètres… « Un très beau sport, à certains égards héroïque, mais un sport très exigeant qui demande énormément d’investissement et beaucoup d’abnégation » résume l’athlète au regard doux et au physique d’Hercule.

Une vie de souffrances et de privations ponctuées de joies intenses comme en ce jour de sacre, à l’été 2010, sur la piste des championnats d’Europe d’athlétisme de Barcelone. Une médaille d’or en forme d’apothéose pour une carrière qui aura souvent été celle des rendez-vous manqués. Londres 2012 puis Rio 2016, par deux fois le pensionnaire du CREPS de Montpellier rate la grand-messe des jeux olympiques, dont il aura tout de même goûté la saveur en 2004 et 2008, décrochant même une 4e place à Pékin. Une fin de carrière notamment perturbée par une pubalgie tenace, qui le tient durablement éloigné de la compétition.

Las, le nordiste décide à 36 ans de raccrocher les pointes, mettant un terme à une carrière entamée en 2002. Vient alors le temps de la reconversion, période réputée délicate pour tout sportif professionnel. Sa voie à lui est toute tracée : l’enseignement. Une deuxième nature pour ce fils de professeur d’EPS qui forme aujourd’hui les étudiants en STAPS en athlétisme et sur le volet de la préparation physique. Détaché à mi-temps depuis plusieurs années, Romain Barras peut désormais assumer l’intégralité de ses enseignements.

« Faire un volley avec les copains »

Cette seconde carrière qui débute lui a permis de renouer avec une vie personnelle mise entre parenthèses, et qu’il redécouvre avec bonheur. « J’ai aujourd’hui le temps de m’occuper de ma vie de famille, d’aller faire un volley avec les copains quand j’en ai envie… ». L’occasion aussi de se réconcilier avec un corps meurtri. « Ne plus avoir mal à chaque pas » : déjà une victoire pour celui qui a longtemps été abonné à la salle de soins. Aujourd’hui, le sociétaire du Stade olympique de Calais « court un peu » et transpire au CrossFit. Pas si facile de perdre le goût de l’effort. Un rythme qui n’a cependant plus rien à voir avec les 8 à 10 séances hebdomadaires qui ont longtemps été son lot quotidien.

S’il affirme avoir pris ses distances avec son sport, Romain Barras garde un œil sur une relève qui s’annonce particulièrement prometteuse. Une relève qui a un nom, Kévin Mayer, médaillé d’argent des derniers jeux olympiques à l’issue d’un duel haletant avec l’américain Ashton Eaton, référence et légende de la discipline. Gueule d’ange et capacités physiques hors norme : une tête d’affiche idéale pour le décathlon français. « Derrière Kévin, ils sont 4 ou 5 à disposer d’un beau potentiel » tient-il à préciser. Des athlètes qu’il croise régulièrement au pôle France de décathlon, hébergé au CREPS de Montpellier. Gageons que ce prof un peu particulier ne manquera pas d’inspirer des héritiers qui rêvent de monter un jour, comme lui, sur la plus haute marche du podium.

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