[LUM#5] Sida : une molécule pour mieux vivre

Pour l’instant on n’en guérit pas. Mais peut-on vivre normalement malgré le VIH ? A Montpellier, la découverte d’une nouvelle molécule fait naître l’espoir.

1983 : une équipe de l’Institut Pasteur isole pour la première fois en laboratoire le « virus de l’immunodéficience humaine », ou VIH : un virus qui s’attaque aux défenses immunitaires en les détruisant progressivement. Cette découverte marque le début d’une décennie noire. La recherche peine alors à combattre les mécanismes complexes d’une maladie synonyme de condamnation à mort.

Trithérapies et effets secondaires

Un pas décisif est franchi en 1996, quand une combinaison de trois traitements est mise pour la première fois sur le marché : les fameuses trithérapies. « Leur arrivée a été une chance pour les patients en échec thérapeutique, car elles ont permis de minimiser les phénomènes de résistance du virus face à des traitements administrés jusqu’alors en monothérapie » explique Jamal Tazi, chercheur à l’Institut de génétique moléculaire de Montpellier. Une avancée majeure qui n’en demeure pas moins limitée par une multitude d’effets secondaires : maux de tête, diarrhées, vomissements, vieillissement accéléré des tissus, inflammations, accès de fièvre…

Des conséquences physiques auxquelles s’ajoutent une exclusion sociale et l’obligation de suivre un traitement, chaque jour et toute une vie… Mais l’essentiel est là : pour la première fois, le VIH passe du statut de maladie mortelle à celui de maladie chronique. Une maladie qui, détectée et traitée à temps, ne menace plus la vie des patients.

Soulager les patients

20 ans et des millions de victimes plus tard, la guérison de la maladie se fait encore attendre. L’unique cas de guérison avérée est celui, en 2007, du désormais célèbre « patient de Berlin ». Mais l’histoire de cet américain, Timothy Brown, a tout de l’exception qui confirme la règle. « Il s’agit d’un patient qui a reçu une greffe réalisée avec des cellules portant une mutation sur un gène qui se trouve être récepteur au virus, CCR5. Mais il s’agit d’un cas exceptionnel, chanceux et en quelque sorte mythique, que l’on n’a jamais su reproduire depuis » relate le généticien.

Si le traitement miracle n’est pas pour demain, la recherche privilégie aujourd’hui de nouvelles approches. « Le souhait des chercheurs est aujourd’hui très clair : trouver des médicaments au mode d’action nouveau pour remplacer les trithérapies, qui ont montré leurs limites. » résume Jamal Tazi.

Parmi les pistes les plus prometteuses, celle d’une « cure fonctionnelle ». « Il ne s’agit plus d’éradiquer le virus à l’intérieur de l’organisme, ce qui semble illusoire, mais d’en endormir l’expression. Ce qu’on espère à terme, c’est libérer les patients de l’obligation d’une prise quotidienne de médicaments » détaille Jamal Tazi. Devenue l’alpha et l’oméga de la recherche sur le VIH, la quête de cette guérison fonctionnelle est précisément au cœur des travaux menés par le chercheur de l’IGMM. Et ce découvreur de molécules a peut-être mis le doigt sur une pépite : ABX464 ( Premières preuves de l’activité antivirale et de l’innocuité d’ABX464 chez les patients naïfs de traitement contre le VIH, in Journal de l’éradication des virus, 2016).

Limiter l’« effet rebond »

Cette molécule, dont le rôle est d’empêcher la fabrication des ARN viraux responsables de la réplication du virus, a en effet une spécificité qui pourrait faire toute la différence : sa capacité à maintenir la charge virale à un niveau très bas, jusqu’à plusieurs semaines après l’arrêt du traitement. ABX464 pourrait ainsi contrer le mécanisme dit « d’effet rebond », autrement dit la remontée de la charge virale à l’arrêt de la médication, principal écueil sur la voie d’une cure fonctionnelle.

« Le traitement est toujours à l’essai, mais nous avons pour l’heure constaté qu’ABX464 diminue durablement la charge virale chez les patients, et ce sans effets secondaires. C’est très encourageant. Nos travaux ont d’ailleurs été très bien reçus par la communauté scientifique ». Un traitement moins lourd à prendre moins souvent, c’est la perspective ouverte par la découverte de cette molécule développée à Montpellier au sein d’un laboratoire commun associant les équipes de l’IGMM et la société de biotechnologie Abivax.

A quelle fréquence les patients devront-ils prendre ce traitement : une fois par semaine, une fois par mois, tous les six mois ? C’est ce que doit déterminer l’essai clinique de phase 2 (sur 3) actuellement en cours, dont les résultats sont attendus pour avril 2017. Si l’on est encore loin d’une mise sur le marché, qui ne devrait pas intervenir avant plusieurs années, la molécule découverte par l’IGMM soulève en tout cas un espoir jadis considéré comme illusoire : vivre normalement avec le Sida.

A Montpellier, sur la piste du VIH

Où le virus du Sida est-il apparu pour la première fois ? Comment la maladie a-t-elle migré du singe vers l’homme ? Les chercheurs du laboratoire international « Recherches translationnelles sur le VIH et les maladies infectieuses » ont enfin les réponses à ces énigmes. Remontant la piste du virus, ils ont identifié pour la première fois, en 2014, l’épicentre géographique et le point d’origine du VIH-1, principale variante du VIH. Un gigantesque jeu de piste résolu grâce à la confrontation de centaines d’échantillons du VIH et de données socio-économiques. Les chercheurs ont ainsi démontré que c’est au Sud-Est du Cameroun, aux alentours de 1920, que le rétrovirus s’est pour la première fois transmis de son hôte originel – le singe – vers l’être humain. Les chercheurs ont ensuite pu retracer la dynamique de diffusion de la maladie, montrant comment celle-ci s’est propagée depuis son berceau en forêt tropicale jusqu’à Kinshasa, point de départ d’une épidémie facilitée par le développement du transport fluvial et ferroviaire ( documentaire Sida, sur la piste africaine).

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