[LUM#7] Face au porno vengeur
Ces doctorantes en droit ont vu leur article primé et publié dans Le Monde. Cécile Lefrançois et Clémence Vialatte y explorent la « vengeance pornographique ». Un phénomène dévastateur, encore mal sanctionné.
Certains amants éconduits usent aujourd’hui d’un mode de vengeance inédit : publier sur Internet des vidéos ou photos d’une ancienne partenaire, prises autrefois dans l’intimité. Né outre-Atlantique, ce phénomène baptisé revenge porn monte en puissance dans le monde entier… jusqu’à pousser parfois des victimes au suicide.
Si bien que Cécile Lefrançois et Clémence Vialatte, doctorantes à l’Université de Montpellier, ont décidé d’explorer le flou juridique entourant encore ces affaires. En mai 2017, lorsqu’elles décident de concourir au prestigieux prix Guy Carcassonne récompensant un article lié au droit constitutionnel, elles se penchent sur le sujet du revenge porn. « Ce phénomène récent soulève des problématiques juridiques importantes », explique Clémence Vialatte.
Meilleur encadrement juridique
En deux journées intensives, les thésardes écrivent l’article à quatre mains… et remportent le prix assorti d’une publication dans Le Monde, face à 155 autres articles soumis en France. C’est au Conseil constitutionnel que Laurent Fabius, son président, leur décerne le prix en présence de la garde des Sceaux Nicole Belloubet. « Une immense fierté pour nous, d’autant plus que nous n’évoluions pas dans notre domaine de confort, étant spécialistes de droit pénal », raconte Clémence.
Dans leur article, les lauréates exhortent à un meilleur encadrement juridique du porno vengeur. Certes, depuis octobre 2016, la loi sanctionne la diffusion de l’image ou de la voix d’une personne sans son consentement « dès lors qu’elle présente un caractère sexuel ». La peine encourue ? Deux ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende. Un net progrès, puisque le revenge porn restait jusque-là souvent impuni faute d’une loi adaptée.
450 amis
Mais cette nouvelle loi pêche par son manque de précision. « Comment définir le “caractère sexuel“ ? interroge Clémence. Des photos de nus artistiques, ou encore des clichés de jeunes filles habillées mais prenant des poses suggestives, comportent-elles un caractère sexuel ? ». Ce défaut de clarté pourrait permettre à un justiciable de soumettre une question prioritaire de constitutionnalité… remettant donc la loi en cause. « Les juristes connaissent par ailleurs peu cette disposition sur le revenge porn, noyée dans une loi très vaste », indique Cécile.
Au-delà du droit, les jeunes femmes ont voulu alerter les jeunes sur la violence de ces actes. « De nombreux jeunes prennent cela légèrement. Une photo diffusée à 450 amis sur un réseau social, pour eux, cela reste “confidentiel“. Ils oublient qu’il s’agit à la base d’un contexte amoureux, d’un lien de confiance », explique Cécile. Le titre choisi par les auteurs pour leur article évoque bien ce sentiment d’effroi face à la trahison sordide : « Que reste-t-il de nos amours ? »…
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