Montpellier, pépinière de l’agriculture de demain
Les yeux tournés vers le Sud, 2 500 chercheurs inventent à Montpellier les modèles agricoles de demain, entre redécouverte de techniques ancestrales et apport des nouvelles technologies.
Laurent Bruckler est formel : « Il n’est plus d’agronomie qui ne prenne en compte l’environnement« . Le président du centre INRA Occitanie-Montpellier retrace l’évolution d’une discipline dont le visage s’est profondément transformé. « Avant les années 70, il était question de nourrir le pays dans un contexte de reconstruction d’après-guerre. On mettait donc l’accent sur la fertilisation, la protection des cultures, l’artificialisation du milieu… Puis est intervenue la prise de conscience des conséquences de l’agriculture sur la crise environnementale et sur la santé. Une longue période de transition a débouché sur la généralisation de nouveaux principes, au début des années 2000, dans une compréhension mondialisée prenant en compte des enjeux comme le changement climatique, les questions de démographie, les risques qui pèsent sur la biodiversité… » .
Agriculture bio-inspirée
Une lente évolution qui a permis l’émergence de concepts nouveaux, comme celui très actuel d’agroécologie. « L’agroécologie consiste à utiliser des mécanismes biologiques présents dans la nature pour les mettre au service de la production agricole : s’inspirer d’un milieu forestier qui s’entretient lui-même par fertilisation interne, utiliser la biomasse microbienne déjà présente dans le sol pour fixer l’azote… » détaille le directeur de recherche.
« L’approche productiviste était uniquement centrée sur l’étude de la parcelle » confirme Marie-Laure Navas. « Aujourd’hui au contraire, on est amenés à travailler par rapport à un bassin versant, un paysage voire une région pour intégrer ces dimensions environnementales. L’agroécologie traduit cela. Les enjeux sont plus complexes. On ne parle d’ailleurs plus d’agriculture mais d’agricultures au pluriel » relève la directrice déléguée aux formations et à la politique scientifique de l’école SupAgro Montpellier. Implantée au nord des Arceaux sur le campus La Gaillarde, cette grande école forme les futures têtes pensantes de l’agronomie française. Sur le campus, qui héberge les locaux de l’INRA, vignes et serres poussent comme des champignons, formant un oasis de verdure inattendu à quelques encablures du centre-ville.
Lavalette : tour de Babel agricole
Le site de La Gaillarde n’est pas l’unique point névralgique de l’agronomie montpelliéraine. De l’autre côté de la ville, au pied du zoo du Lunaret, le campus Lavalette voit se croiser chaque jour des centaines de chercheurs, dont une bonne part venue des pays du Sud.
Une particularité qui fait la richesse du site explique Michel Salas, directeur régional du CIRAD : « le maître mot chez nous est partenariat. On travaille avec et pour le Sud, non pas dans une approche top/down mais au contraire en pleine coopération« . Pour le chercheur, il faut sortir d’une vision archaïque de la relation Nord/Sud. « Le Sud est un immense gisement de savoir-faire, d’approches différentes, de matériel génétique à explorer. Les techniques innovantes sont aussi mises au point au Sud. Le semis sous couvert végétal date ainsi de plus de 20 ans au Brésil » note Michel Salas. « Travailler pour le Sud, c’est travailler pour la planète. Ce qui se passe au Sud se répercute sur le Nord : le niveau de développement des pays du Sud impacte fortement le présent et l’avenir de la planète entière » résume le chercheur. Pour peaufiner sa stratégie internationale, le site peut aussi compter sur la présence de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) dont les chercheurs, présents aux quatre coins du globe, apportent une précieuse expertise sur les projets de développement.
Véritable tour de Babel, Lavalette dispose ainsi de l’une des collections génétiques parmi les plus riches du monde sur le riz, le cacao, l’hévéa, la canne à sucre… On y scrute aussi, dans des serres de confinement de haute sécurité, les relations entre plantes et parasites, elles aussi chamboulées par les dérèglements climatiques.
Capitale mondiale
Preuve s’il en est de la place incontournable qu’occupe Montpellier dans la recherche en agronomie, le campus Lavalette abrite depuis 2014 le siège du Consultative group on international agricultural research, ou CGIAR. Cette organisation internationale, qui coordonne plus de 8 000 personnes et 15 centres de recherche de par le monde, a choisi Montpellier plutôt que d’autres candidats tels que Rome ou New Delhi pour y implanter son QG. Une consécration à la hauteur du statut de Montpellier : celui de capitale mondiale de la recherche en agronomie.
I-SITE MUSE
« Nourrir, soigner, protéger« , trois enjeux globaux pour le XXIe siècle au coeur de l’I-SITE MUSE.
Le projet MUSE « Montpellier Université d’Excellence » mobilise les forces de 19 institutions vers une ambition commune : faire émerger à Montpellier une université thématique de recherche intensive, internationalement reconnue pour son impact dans les domaines liés à l’agriculture, l’environnement et la santé, susceptible de devenir pour tous les membres du consortium un partenaire académique auquel ils seront fortement liés et dont ils pourront se prévaloir.