Phéno-recycle : la résine phénolique enfin recyclable

Fruit d’une collaboration entre les chercheurs de l’Institut Charles Gerhardt de Montpellier (ICGM) et la société Saint-Gobain, le projet Phéno-recycle a permis de développer des procédés novateurs pour recycler la résine phénolique. Un des déchets les plus solides de l’industrie chimique jusqu’ici voué à l’incinération ou à l’enfouissement. Accompagné par le Pôle universitaire d’innovation de Montpellier, ce partenariat vertueux a connu un succès fulgurant.

Ils sont venus à bout d’une impasse industrielle en moins de trois ans. Main dans la main, les chercheurs de l’Institut Charles Gerhardt de Montpellier (UM/ENSCM/CNRS) et l’entreprise Saint-Gobain ont enfin trouvé le moyen de recycler la résine phénolique, l’un des déchets les plus résistants, et jusqu’ici incompressible, de l’industrie chimique. Et pour clore cette première collaboration fructueuse, les deux partenaires, boostés par les dispositifs du Pôle universitaire d’innovation, viennent tout juste de déposer une demande de brevet.

Polymères thermodurcissables résistants

L’histoire démarre en 2021. Saint-Gobain se rapproche de l’ICGM qui possède une expertise sur la synthèse de résines phénoliques aux impacts environnementaux réduits (sans formaldéhyde) et « accorde une importance toute particulière au recyclage et à l’utilisation plus vertueuse des ressources » souligne Vincent Ladmiral, directeur de recherche dans cet institut.

L’industriel Saint-Gobain utilise ces résines phénoliques pour la conception de matériaux isolants, type laine de verre, ou encore pour la fabrication d’abrasifs, type papier de verre.

“Il y a une problématique autour de ces matériaux, qui ont une durée de vie très importante. Ce sont des polymères thermodurcissables, essentiellement constitués de la liaison carbone-carbone, l’une des plus solides en chimie. Ils sont extrêmement résistants au vieillissement et aux attaques chimiques. Ils ont aussi une grande stabilité thermique. Donc par définition, ils ne sont pas faciles à recycler”, explicite, le chercheur.

Molécules de petite taille et réutilisables

Concrètement, via une thèse de l’Agence nationale de la recherche technologique (ANRT) financée par Saint-Gobain dès novembre 2022, les équipes ont trouvé un moyen de découper cette résine en molécules de plus petite taille et réutilisables. Après avoir publié une première preuve de concept en 2023, l’équipe a intégré le dispositif “Companies & campus”, un outil développé dans le cadre du Pôle universitaire d’innovation et destiné à améliorer les collaborations entre la recherche publique et le monde de l’entreprise.

Grâce à l’enveloppe de 50 000 euros débloquée par cet appel à projets du Pôle universitaire d’innovation, l’équipe a pu embaucher un ingénieur supplémentaire pour 12 mois. “Nous avions le procédé, nous avions déjà des voies de recyclage prometteuses, mais Companies&campus nous a permis d’aller plus loin dans la compréhension du mécanisme de dépolymérisation et de la structure de ces oligomères” déclareMorgane Petit, cheffe de groupe recherche et développement éco-procédés et innovations pour la chimie à Saint-Gobain recherche Paris et coordinatrice du réseau chimie durable à Saint-Gobain.

“Gagnant sur tous les tableaux”

Au fil de leurs recherches, les scientifiques ont réussi à faire de ces résines des résidus valorisables. Ils sont aussi parvenus à les transformer en vitrimères, aux propriétés réversibles. Inventée en 2011, cette nouvelle classe de polymères correspond à des matériaux capables d’être fondus et recyclés à l’envie… Une aubaine à l’heure de la nécessaire transition écologique. “On est gagnant sur tous les tableaux”, salue Vincent Ladmiral.

Si Saint-Gobain met cette technologie en application, elle pourrait permettre d’utiliser ces matières recyclées pour la fabrication de nouveaux produits et ainsi contribuer à minimiser l’utilisation de ressources planétaires. “Nous plaçons de grands espoirs dans ces matériaux, qui pourraient éviter l’accumulation de polymères thermodurcissables sans solution de recyclage. Jusqu’à présent, leur fin de vie se limitait à l’incinération ou à l’enfouissement.… Donc tant d’un point de vue scientifique qu’industriel, c’est un très beau succès”, résume le chercheur de l’ICGM.