La Lune gît au fond de la mer. Ce navire de guerre de la flotte de Louis XIV a sombré en 1664 en rade de Toulon, emportant avec lui armement, vaisselle et effets personnels de l’équipage, précieux témoins d’une époque révolue qui reposent à 90 mètres de profondeur. Un trésor pour les archéologues. Et un défi pour les chercheurs : “Au-delà de 50 mètres de fond, la fouille des épaves par des plongeurs devient trop dangereuse et trop complexe”, explique Vincent Creuze, chercheur au laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier. La solution ? Les robots sous-marins, comme Speedy. Muni de caméras, il est les yeux de l’archéologue. Mais aussi sa main. “Speedy est équipé d’une main articulée munie d’un capteur de pression”, explique le directeur scientifique de l’expédition. Un robot plein de finesse qui peut saisir une assiette fragile en la serrant juste assez pour la garder entre ses doigts de métal sans la briser. Une première mondiale. Et le début d’une nouvelle ère pour l’archéologie sous-marine qui va désormais pouvoir explorer des épaves de plus en plus profondes.
Le projet Corsaire Concept est piloté par le DRASSM (Département des Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-Marines du Ministère de la Culture et de la Communication) en partenariat avec le Lirmm (UM-CNRS) qui assure la direction scientifique, l’Institut PPRIME (CNRS), l’Université de Stanford, l’ONERA, le GDR Robotique et le projet ANR SEAHAND.
Un des plus grands défis de l’archéologie robotique : pouvoir manipuler des objets fragiles sans les briser. La main (Techno Concept) à trois doigts dite “à saisie adaptative” s’ajuste à la forme de l’objet qu’elle agrippe sans le casser.
Pour imiter la délicatesse des gestes de l’archéologue humain, la main du robot est munie d’un capteur de pression. Il permet de jauger finement l’effort de serrage exercé sur l’objet.
La main robotique est actionnée depuis le poste de commandement scientifique du navire où arrivent les images en direct des caméras embarquées.
Le robot sous-marin Speedy est relié au navire par un « ombilical » qui assure son alimentation électrique et ses échanges d’information avec les chercheurs.
La main robotisée peut être remplacée par des griffes, sortes de râteaux qui s’entrecroisent pour prélever des objets difficiles à agripper.
Les échantillons sont déposés dans une caisse qui sera remontée à la surface. Speedy le robot peut se remettre au travail sans tarder.
L’épave de la Lune gît à 90m de profondeur à cinq nautiques de Toulon. Ce vaisseau de Louis XIV sombra en 1664 emportant avec lui des centaines d’hommes et des dizaines de milliers d’objets.
Une fouille archéologique exceptionnelle exige une logistique exceptionnelle. Piloté par le ministère de la Culture (DRASSM), le projet Corsaire Concept mobilise archéologues, roboticiens, marins, spécialistes de l’imagerie 3D et bien d’autres collaborateurs passionnés.
Sur le bateau, les objets sont rapidement pris en charge, leur séjour de plusieurs siècles dans l’eau salée les rend particulièrement fragiles.
Les milliers d’objets ensevelis avec la Lune représentent autant de témoins de la vie maritime, militaire et technique du XVIIe siècle. Cette bouteille vernissée verte et jaune proviendrait d’ateliers de Saint-Zacharie (à l’Est de Marseille).