Rapport de l’IPBES : “un véritable tour de force prospectif”
En décembre 2024, lors de sa 11e réunion plénière, la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a validé une évaluation et un résumé des connaissances existantes pour aider les gouvernements et le grand public à relever les défis écologiques actuels. L’Université de Montpellier accueille l’unité d’appui technique qui a soutenu la rédaction de ce rapport. Rencontre avec sa responsable, Laurence Périanin.

Quelles sont les missions de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques ?
L’IPBES a été créée en 2012, avec le soutien actif de la France dès ses débuts, sur la base de ce qui a été fait pour le GIEC, d’ailleurs on entend souvent parler de l’IPBES comme du « GIEC de la biodiversité », mais c’est bien plus que cela. L’IPBES a plusieurs autres fonctions que l’évaluation des connaissances existantes. Elle permet de catalyser la production de nouvelles connaissances, d’appuyer la formulation et la mise en œuvre des politiques, et de renforcer les capacités des 148 états membres. Pour cela elle inclut des formes de savoirs autres que scientifiques comme les savoirs autochtones et locaux, ce qui est très spécifique de l’IPBES.
Comment a été initiée la contribution de l’Université de Montpellier au travail de l’IPBES ?
En 2021, l’UM a répondu à un appel d’offre de l’IPBES pour accueillir l’unité d’appui technique de cette évaluation des changements transformateurs. La participation à cette évaluation montre une volonté politique forte de l’Université de Montpellier de s’investir et d’être visible au niveau international sur des projets structurants et porteurs de sens. Avec cette unité d’appui technique, l’UM soutient le travail d’un groupe d’une centaine d’experts internationaux pour la rédaction de l’évaluation.
Comment a été constituée cette unité d’appui technique ?
Nous sommes trois : Camille Guibal qui est chargée de programme en lien étroit avec les experts, Anouk Renaud qui est assistante et s’occupe de toute la logistique et de l’administratif, et moi-même. Je suis responsable de l’unité et doit superviser et garantir le respect des délais, en lien avec la direction des programmes structurants. Si je suis hydrobiologiste au départ, j’ai travaillé ensuite comme fonctionnaire au ministère de la Transition écologique, où je m’intéressais à la question des changements transformateurs. C’est là que j’ai candidaté auprès de l’Université pour prendre la responsabilité de l’unité d’appui technique.
Pouvez-vous nous expliquer comment a été produit le rapport ?
Cette évaluation sur les changements transformateurs pose la question de ce qui doit être mis en œuvre pour atteindre la « vision à 2050 de vivre en harmonie avec la nature » cadrée par la Convention sur la diversité biologique. La sortie de ce rapport est l’aboutissement de trois ans de travail réunissant une centaine d’experts. Ils se sont penchés sur des études de cas pour décrypter leur potentiel de transformation et proposer des stratégies nécessaires à une sortie de crise. Au total 7000 articles ont été passés en revue pour aboutir à cette analyse inédite qui porte sur des changements prospectifs, d’ampleur nécessaire pour répondre à la crise de la biodiversité. Ce travail représente un véritable tour de force prospectif.
Quel est le rôle de cette unité d’appui technique dans le travail mené par l’IPBES ?
Il faut coordonner et rythmer le travail des scientifiques et des experts, organiser leurs réunions, répondre à leurs questions sur le processus d’élaboration, les accompagner pour adapter le texte suite aux deux revues publiques du manuscrit (près de 9000 commentaires reçus). Le travail se fait à 100 % en anglais. Nous n’intervenons pas sur le contenu, car on ne doit pas « influencer le rapport », mais nous sommes garantes de sa qualité. Il faut parfois cadrer les experts afin d’éviter qu’ils ne s’éparpillent et faire preuve de diplomatie pour faciliter le travail de co-production.
Quelles difficultés avez-vous rencontré dans cette mission ?
L’UM s’est beaucoup impliquée pour mettre en place un cadre de travail nous permettant d’aller au bout de cette mission. Nous avons dû faire preuve de flexibilité horaire pour communiquer avec les expertes et experts bénévoles qui travaillaient souvent le soir et le week-end sur des fuseaux horaires très variés. Nous avons participé à de nombreuses réunions impliquant des déplacements à l’international lors desquels nous avions de nombreuses responsabilités et des amplitudes horaires conséquentes, parfois sur plusieurs semaines d’affilée. Tout a été mis en œuvre pour la réussite de ce projet, notamment avec la DPS qui est notre structure d’accueil et Agropolis qui nous héberge dans ses locaux. Grâce à tout cela, le travail est fait et bien fait.
L’IPBES a présenté ce rapport lors d’une conférence de presse en Namibie, le 18 décembre 2024, vous y étiez ? Quelle va être la suite pour vous ?
Oui bien sûr, nous étions sur place pour préparer les expertes et experts et les aider à répondre aux médias. Notre travail continue : dans les six mois à venir nous devons finaliser le rapport car beaucoup de modifications ont été faites lors de cette assemblée plénière. Nous allons nous atteler à la communication et la valorisation de ce travail en rédigeant notamment des fiches thématiques pour donner un éclairage plus rapide sur certains sujets abordés dans le rapport. L’UM, en collaboration avec le pôle agriculture – environnement – biodiversité, accueillera un événement de lancement en mars. L’idée est d’inciter les différents acteurs à participer au travail de l’IPBES. A l’issue de cette phase de travail, l’unité sera dissoute à l’été 2025 au terme de cette mission de 3 ans.
Publication du rapport de l’IPBES
Planète en péril : le rapport de l’IPBES propose des options pour réaliser le changement transformateur nécessaire de toute urgence et mettre fin à l’effondrement de la biodiversité.
Vidéo de la conférence de presse du 18 décembre 2024