Rouages : “Si nous continuons, un jour ces aquifères ne pourront plus nous fournir d’eau”

Muriel Geeraert est ingénieure en hydrogéologie à Géosciences Montpellier. Dans l’Hérault ou les Pyrénées orientales, elle se déplace de forage en forage pour prélever les précieuses données qui permettront au service Transferts en milieux poreux de mieux préserver la ressource en eau. Une mission qu’elle nous explique dans la série vidéo Rouages produite par l’Université de Montpellier. Moteur !

En ce matin de décembre même les flamands roses tremblent sous le vent qui balaie l’étang du Prévost à Villeneuve-lès-Maguelone. Nous retrouvons Muriel Geeraert sur le mince lido qui sépare la lagune de la mer, à quelques centaines de mètres à vol d’oiseau de la cathédrale. Épais manteau, bonnet et gants, l’ingénieure en hydrologie affiche le large sourire de celle que la beauté du site et des lumières qui le baignent n’indifférera jamais. « Il fait très froid aujourd’hui mais quel bonheur de travailler ici » nous déclare-t-elle en sortant de son utilitaire une chaise et une table pliante qui lui permettront de poser son matériel et, si la température s’adoucit, de casser une graine derrière le container posé là, seul rempart contre le vent.

60 mètres de profondeur

Alors que le terme forage évoque aux néophytes une installation relativement imposante, nous sommes surpris par la nudité du site jusqu’à ce que Muriel attire notre attention sur de minces tuyaux en PVC émergeants du sol. « Il y a huit puits en tout mais celui-ci me permet de faire toutes les données que je recueille sur le terrain. Il va jusqu’à 60 mètres et il est entièrement tubé pour laisser passer la sonde et faire des mesures très précises », nous explique-t-elle tout en dépliant un treuil d’environ 2 mètres de haut. Pour ne perdre aucune explication, nous décidons de l’équiper de micros, l’interview face caméra viendra ensuite.

Quelques minutes plus tard alors que le treuil est en place juste au-dessus du puits, l’ingénieure sort d’une boite en plastique noire un cylindre filiforme en métal : « Voici la sonde, je vais la descendre jusqu’au réservoir souterrain pour en remonter une petite quantité d’eau. Je relève son PH et sa conductivité sur place et j’envoie le reste des échantillons au laboratoire pour des analyses plus fines. » Très vite, Muriel Geeraert nous expose l’enjeu de ces manipulations, nous révélant ainsi la fragilité de l’écosystème qui nous entoure.

Intrusion d’eau salée

« La problématique ici c’est l’intrusion d’eau saline dans les réservoirs d’eau douce côtiers. En été notamment, nous tirons beaucoup d’eau pour les campings, pour les golfs. Plus nous prélevons dans les aquifères, plus l’eau salée de la mer a tendance à rentrer dedans, constate Muriel Geeraert. Si nous continuons, un jour ces aquifères ne pourront plus nous fournir d’eau. Nous avons un gros impact sur la nature » déplore l’ingénieure initialement formée en mécanique et automatisme industriel et qui a intégré Géoscience en 2019 suite à l’arrêt de l‘accélérateur de particules sur lequel elle travaillait. « C’est vrai que je viens de très loin et j’en apprends chaque jour un peu plus sur les géosciences. C’est un domaine tellement vaste, je trouve cela passionnant. »

Au sein du service « transferts en milieux poreux » (Tmp) de Géosciences, Muriel Geeraert scrute donc de près l’impact humain sur le site de Villeneuve-lès-Maguelone mais pas que. « Chaque mois, je fais des relevés à Pégairolles-de-l’Escalette juste au-dessus de Lodève, un site également très très beau où nous étudions plus précisément l’effet des glissements de terrain. Je vais aussi au Barcarès et à Canet-en-Roussillon et le dernier site est à Majorque mais nous n’y allons plus énormément ». Un joli panorama de la région pour cette parisienne d’origine qui rêvait de venir vivre dans le Sud et apprécie plus que tout la diversité de ses activités, des sites et du climat.

Travaux pratiques

Et quand elle n’est pas sur le terrain, c’est au laboratoire que Muriel Geeraert passe ses journées. « Il faut entretenir le matériel et le ré-étalonner. Il faut également traiter toutes ces données, certaines sont ajoutées à des bases de données ouvertes au grand public. » Chaque année, elle participe également à des travaux pratique (TP) d’hydrogéologie où étudiantes et étudiants peuvent découvrir le travail de terrain directement sur site. « J’anime cet atelier avec Emmanuelle Petelet, on sort des échantillons d’eau et on fait faire des analyses aux étudiants. C’est un TP vraiment très sympa et c’est aussi une dimension de mon travail que j’aime beaucoup » ! Sauf quand un serpent s’invite à la fête…