Spike, l’espionne au service du dépistage
Et si la solution aux files d’attente qui ne cessent de s’allonger devant les centres de dépistage tenait en un mot : SPIKE ? Cinq lettres qui résonnent comme un nom de code pour désigner une protéine spécifique du virus qui pourrait être la base d’un nouveau test de détection du Sars-Cov-2, plus rapide et plus efficace.
Test PCR ou sérologique ? Prélèvement nasopharyngé, sanguin ou salivaire ? Depuis le début de l’épidémie le dépistage est entré dans nos vies et avec lui, son cortège de questions : délais d’attente, fiabilité, inconfort… « Les tests employés aujourd’hui ne sont pas optimaux, nous travaillons sur de nouvelles solutions qui nous permettraient non seulement d’augmenter les capacités de tests mais aussi d’améliorer leur sensibilité et leur spécificité » explique Christophe Hirtz, chercheur au Laboratoire de Biochimie et Protéomique Clinique*.
Spike, une protéine spécifique
Contrairement aux tests PCR – Polymerase Chain Reaction en anglais – qui cherchent à détecter la présence du génome du virus, les tests sanguins ou salivaires dits « Elisa » permettent de détecter des protéines spécifiques que l’on trouve en grande quantité sur l’enveloppe du virus. « L’une d’elle, que nous appelons la protéine Spike, nous intéresse particulièrement car elle présente une séquence spécifique au virus et elle est déterminante pour son entrée dans la cellule. Si on trouve cette séquence c’est que nous sommes face au Sars-Cov-2. On ne peut pas se tromper » poursuit le chercheur.
Pour détecter cette protéine Spike, Christophe Hirtz et son équipe utilisent la spectrométrie de masse. Un outil analytique permettant de repérer et d’identifier des molécules par leur masse et de caractériser leur structure chimique. « La spectrométrie de masse va nous permettre de caractériser la protéine mais également de comprendre l’antigénicité du virus, autrement dit comment notre système immunitaire va reconnaître le virus et déclencher les bons anticorps. »
Identifier Spike grâce aux anticorps
En effet lorsqu’un virus pénètre dans notre organisme, notre système immunitaire va identifier une protéine qui lui est caractéristique, en l’occurrence Spike, et déclencher la production d’anticorps spécifiques, capables de capturer cette protéine. « Un anticorps et une protéine fonctionnent un peu comme une clé et une serrure. Si nous identifions l’anticorps capable de capturer la protéine Spike nous pourrons l’utiliser pour détecter la présence du virus et établir ainsi un diagnostic encore plus fiable et rapide. »
Simple en apparence, l’entreprise n’en est pas moins ardue car de nombreux éléments de « décoration » présents sur la protéine Spike, tels que des sucres par exemple, peuvent intervenir dans la manière dont l’anticorps va la cibler, obligeant ainsi les chercheurs à étendre le travail de caractérisation. « Notre analyse moléculaire doit être extrêmement fine et prendre en compte les différents environnements de la protéine Spike, dans différents échantillons prélevés sur différents types de patients, en réanimation ou non, asymptomatiques ou non », poursuit le chercheur.
Pour collecter ces échantillons, la Plateforme de protéomique clinique a ainsi pu compter sur la collaboration du centre de ressources biologique du CHU qui, depuis le début de l’épidémie, stocke les prélèvements des patients, mais également sur la virothèque de l’Institut Pasteur de Lille, partenaire de l’étude. « Nous multiplions les sources et les échantillons afin d’obtenir des résultats applicables sinon nous restons dans la science fondamentale, déclare Christophe Hirtz. Notre objectif est vraiment d’aboutir à un test diagnostic optimisé. »
Comprendre la diversité des symptômes
Un test diagnostic et peut-être même davantage, car l’analyse de la protéine Spike dans différents environnements pourrait également permettre de mieux comprendre la diversité des symptômes liés au Sars-Cov-2. « Nous allons comparer des échantillons issus de patients ayant déclaré une forme extrêmement virulente de la Covid-19 avec d’autres ayant développé une forme plus légère et voir s’il n’existe pas des petites différences au niveau de cette protéine Spike qui viendraient expliquer la diversité des cas que nous observons. »
Prévu pour une durée de 18 mois, ce projet porté par Sylvain Lehmann, responsable du LBPC, devrait rapidement dégager des premiers résultats à l’issue desquels les chercheurs pourront établir le profil de l’anticorps capable de cibler la protéine Spike. A partir de là, deux possibilités : « soit l’anticorps existe déjà sur le marché, car il existe une multitude d’anticorps de synthèse, et la conception du test sera relativement simple à mettre en marche, soit il n’existe pas et il faudra le produire. » Pour cette ultime phase, les chercheurs de la Plateforme de protéomique clinique se sont assurés la collaboration de la société montpelliéraine IdVet, autre partenaire du projet, « mais ce ne sera pas le même prix, ni le même temps. Il faut environ six mois pour fabriquer un anticorps purifié » conclut le chercheur.
*LBPC (UM, Inserm, CHU de Montpellier)