Un grand pas en avant dans le traitement de la narcolepsie
Si la difficulté à rester éveillé peut sembler banale, elle est pourtant le principal symptôme d’un des troubles du sommeil les plus sévères : la narcolepsie. A Montpellier, le Centre de référence des narcolepsies et hypersomnies rares (Inserm/Université/CHU de Montpellier) dirigé par Yves Dauvilliers mène une recherche de pointe sur cette maladie. Le neurologue et ses collaborateurs en partenariat avec le laboratoire Takeda viennent de mener une étude révolutionnaire sur un traitement prometteur. Des travaux publiés dans le New England Journal of Medicine le 27 juillet 2023.
Près de 20 000 personnes en France sont atteintes de narcolepsie, une maladie qui se déclare généralement entre 15 et 20 ans. Si la difficulté à rester éveillé est le principal symptôme de cette affection neurologique, il n’est pas le seul. La somnolence peut parfois être accompagnée d’une prise de poids, d’hallucinations, de paralysie du sommeil et fréquemment de cataplexies, autrement dit d’une « perte de la force musculaire liée à des émotions favorables telles que le rire », explique Yves Dauvilliers du CHU de Montpellier, et chef d’équipe de l’Institut des Neurosciences de Montpellier, Inserm, Université de Montpellier.
La narcolepsie est une maladie auto-immune d’origine génétique et environnementale dont les symptômes sont provoqués par le destruction d’une catégorie particulière de neurones, ceux qui synthétisent de l’orexine autrement appelé hypocrétine, un neurotransmetteur dont le rôle principal est de stimuler l’état de veille. 80 000 neurones sont ainsi détruits chez les patients narcoleptiques qui manquent donc d’orexine. Conséquence : impossible pour eux de maintenir longtemps cet état de veille.
Des patients qui se déclarent guéris
Yves Dauvilliers et ses collègues ont testé un nouveau traitement développé par le laboratoire Takeda, un agoniste des récepteurs 2 de l’orexine , « une molécule qui agit comme une clé similaire à l’orexine et entraîne donc les mêmes effets sur l’organisme ». Si un traitement équivalent avait déjà été testé par en injection intraveineuse, il a été pour la première fois donné aux patients sous forme orale. « Ils ont été divisés en trois groupes qui ont reçus des doses de 30 mg, 90 mg ou 120 mg de cette molécule appelée TAK-994 et un groupe avec un placebo », précise Yves Dauvilliers. Et en termes d’amélioration, les résultats ont été spectaculaires : « nous n’avons pas eu une simple amélioration des symptômes, pour la première fois, les patients se sont tout simplement sentis guéris ».
Si l’essai clinique a dû être arrêté prématurément en raison d’effets secondaires hépatiques chez certains patients, il ouvre néanmoins la porte à un véritable espoir de guérison pour tous les narcoleptiques qui peinent à rester éveillés. « Nous travaillons déjà sur un nouvel agoniste doté d’une plus grande affinité pour le récepteur 2 de l’orexine, et qui aurait donc moins d’effets secondaires », explique Yves Dauvilliers.
En attendant l’arrivée de ce futur traitement, le neurologue insiste sur l’importance d’un diagnostic précoce de la maladie. « Il faut bien comprendre que dormir en classe quand on est jeune peut révéler une maladie sous–jacente, insiste Yves Dauvilliers. Aujourd’hui en moyenne on met 8 ans à diagnostiquer la narcolepsie, et seuls 1/3 des patients ont un diagnostic, c’est vraiment trop peu ».
Oral Orexin Receptor 2 Agonist in Narcolepsy Type 1, Y. Dauvilliers, E. Mignot, R. del Río Villegas, Y. Du, E. Hanson, Y. Inoue, H. Kadali, E. Koundourakis, S. Meyer, R. Rogers, T.E. Scammell, S.I. Sheikh, T. Swick, Z. Szakács, P. von Rosenstiel, J. Wu, H. Zeitz, N.V. Murthy, G. Plazzi, and C. von Hehn. July 27, 2023, N Engl J Med 2023; 389:309-321 DOI: 10.1056/NEJMoa2301940