[LUM#18] 2 000 ans sous les mers
Parce qu’il aimait la mer et les robots, Vincent Creuze a choisi la robotique sous-marine. Avec Arthur, il a conçu le premier robot au monde dédié à l’archéologie, capable de descendre à 2 500 mètres de profondeur pour en remonter 2 000 ans d’histoire. Portrait-robot d’un chercheur ancré au Lirmm pour mieux naviguer entre innovation et archéologie.
Tout se passe loin, très loin dans les profondeurs de la mer où gisent dans l’obscurité la plus totale les épaves naufragées de tempêtes antiques. Une petite masse cubique survole avec la légèreté d’un papillon des trésors soustraits au regard du monde il y a deux millénaires. Arthur, c’est son nom, est le premier robot entièrement conçu pour
l’archéologie. Capable de descendre à 2 500 mètres de profondeur, il fouille, cartographie, filme, échantillonne…
A la lueur de la Lune
Pour trouver son concepteur remontons le câble qui le relie à l’Alfred Merlin, le navire du département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines, le Drassm. Sur le pont, alors que seule la Lune éclaire les flots, que les dauphins et les calamars glissent en silence autour du bateau, Vincent Creuze, chercheur en robotique au laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier
(Lirmm*), peaufine les derniers réglages d’Arthur. Tout sera prêt au réveil des archéologues qui en ce mois d’août 2022, participent à la campagne de l’UNESCO visant à explorer d’anciens vaisseaux échoués dans le canal de Sicile.
Ce robot, voilà neuf ans qu’ils y travaillent avec Olivier Templier, ingénieur au Lirmm. Depuis que la Drassm leur a lancé le défi fou de concevoir en dix ans un robot capable de plonger à 2 000 mètres de profondeur pour investiguer, avec la délicatesse d’un archéologue, les quelques 200 000 épaves qui reposent au fond des eaux territoriales françaises. « Ensemble nous concevons tout, du robot au logiciel, en passant par les cartes électroniques. Une fois en mer, je dois être capable de tout maîtriser et de tout réparer » explique Vincent Creuze.
Un moment suspendu
C’est en 2014 que son premier robot archéologue voit le jour. Speedy, un engin de 75 cm par 40, muni d’une griffe spécialement conçue pour saisir et remonter les échantillons. « Quand les archéologues l’ont vu, ils étaient dubitatifs. Ils avaient imaginé un robot plus gros avec un bras articulé mais quand ils l’ont vu travailler, nous avons gagné leur confiance. » Léger, facile à piloter, rapide, délicat, ce prototype est une réussite mais il est volé dans le port de Marseille quelques semaines plus tard. « J’étais désespéré, se souvient le chercheur, heureusement j’avais réussi à financer un deuxième prototype. »
D’autres robots viendront : Leonard, Flipper, Basile, puis l’aboutissement avec Arthur, son Nautilus à lui. Le premier capable de descendre non pas à 2 000 mètres mais à 2 500 mètres, « et en 9 ans au lieu de 10 » s’amuse celui dont les travaux ont été récompensés par le prix de l’innovation de l’Université de Montpellier. Au fil des missions qu’il enchaîne, jusqu’à devenir un habitué de l’Alfred Merlin, le chercheur s’émerveille devant les cargaisons d’amphores, les flacons en verre finement ciselés et même des colonnes en pierre destinées à des temples que leurs dieux doivent encore attendre. Vincent Creuze lui n’attend plus, il savoure : « être aux commandes d’Arthur, c’est comme être soi-même au fond, c’est un moment suspendu, une émotion incroyable ».
Retrouvez Vincent Creuze dans le podcast La science s’aMuse du 30 septembre 2020
*Lirmm (UM, CNRS, Inria, UPVD, UPVM)
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