Avant nous le déluge
Faute de pouvoir les anticiper, chaque année ou presque les épisodes cévenols qui frappent l’arc méditerranéen occasionnent de lourds dégâts humains et matériels. Un dispositif ambitieux mobilisant un nanosatellite, un ferry et quelques têtes bien pleines pourrait bien changer la donne dès 2023.
15 octobre 2018 : des trombes d’eau s’abattent en une nuit sur l’Aude. Le bilan est lourd : 13 morts (France Bleu Occitanie). En 2015 déjà, 20 personnes avaient perdu la vie à Mandelieu-la-Napoule dont une dizaine piégées dans leur voiture par la subite montée des eaux (France Bleu Azur). Comment expliquer la survenue de ces orages si violents et soudains ? Par un conflit entre les masse d’air chaud et humide de la mer et l’air froid en altitude venu des Cévennes, d’où leur nom : les épisodes cévenols.
« En détectant ces masses d’air chaud dès leur formation en mer et avec une chaîne de transmission de données très rapide, nous pourrions mieux anticiper ces épisodes et mieux protéger les populations » explique Laurent Dusseau*. Et pour accomplir cette mission, le directeur du centre spatial universitaire de Montpellier (CSUM) a déjà son héraut ! Robusta 3A Méditerranée, un nanosatellite de 30 cm de haut, entièrement conçu par le CSUM grâce au concours de plus de 150 étudiants, apprentis et stagiaires depuis 2013 et au soutien de la fondation Van Allen, fondation partenariale de l’Université de Montpellier.
Capteurs mobiles
Détecter des masses d’air humides n’est pas nouveau. Météo-France, partenaire du projet, dispose déjà de capteurs utilisant les signaux émis par les systèmes de navigation par satellite (GNSS) de nos téléphones. « La présence d’eau dans l’atmosphère modifie ces signaux et permet de calculer la quantité de vapeur à un endroit T », explique Laurent Dusseau. On trouve ainsi plus de 800 capteurs d’humidité sur le sol français. Sur le sol mais pas en mer où se forment les masses d’air à l’origine des épisodes cévenols.
Pour aller chercher ces données au large, les chercheurs vont embarquer un de ces capteurs à bord d’un ferry sillonnant la Méditerranée depuis Sète. Une idée simple pour un défi technologique majeur que relèvent l’École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA Bretagne) et l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), tous deux engagés dans l’aventure. « Le fait que le capteur soit mobile implique beaucoup plus de variables, comme les mouvements des vagues ou du bateau, explique Laurent Dusseau. Une thèse est en cours à l’ENSTA sur cette question. »
Fraîcheur de la donnée
Second défi technologique : la rapidité et la fraîcheur de la donnée. « Pour que l’information captée par Robusta soit valable nous devrons démontrer que nous pouvons la traiter et la renvoyer aux utilisateurs finaux en une heure, une heure et demi maximum. » Les utilisateurs finaux ? Météo-France bien sûr mais aussi le service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault (Sdis 34) qui a rejoint le projet à l’automne dernier.
Robusta 3A de son côté continue de se préparer pour le grand vol « le prototype a passé la Critical design review, c’est-à-dire que tout le design du satellite a été validé. Nous sommes maintenant dans les phases de test ». Prévu pour la fin de l’année 2022, le lancement du nanosatellite marquera le début d’un voyage qui lui fera survoler la Méditerranée deux fois par jour pendant un an. Et pour la suite ? « Dans le spatial il faut savoir être humble, nous verrons comment se comporte Robusta 3A et s’il le permet, oui nous poursuivrons l’expérience » conclut Laurent Dusseau.
*IES (UM -CNRS)