Bondzai : l’IA industrielle qui apprend de l’humain
Fruit d’une recherche universitaire de pointe tout droit sortie de l’Institut Alexander Grothendieck (UM) et d’une démarche entrepreneuriale tournée vers l’innovation, la start-up Bondzai a mis au point un système d’intelligence artificielle capable d’apprendre en direct et en continu dans un environnement industriel complexe. Elle prépare actuellement une levée de fonds ambitieuse de deux millions d’euros. Entretien avec son co-fondateur et CEO, Alain Fanet.
Quel est la nature du lien entre la start-up Bondzai et l’Université de Montpellier ?
Tout a commencé avec les travaux de Bijan Mohammadi, professeur de mathématiques à l’Université de Montpellier et chercheur à l’Institut Alexander Grothendieck. En 2016, il s’est demandé comment utiliser l’intelligence artificielle pour simplifier des problèmes mathématiques associés à la simulation numérique. Il a utilisé ses 30 années d’expérience dans ce domaine afin d’automatiser et d’optimiser les processus d’apprentissage de l’IA et aboutir en 2018 à un nouvel algorithme d’apprentissage, ce dont il a informé la Satt AxLR.
Qu’est-ce qui vous a conduit à cofonder une société reposant sur ces recherches universitaires ?
Je cherchais un projet d’IA qui se démarque du chemin dominant afin de rendre l’intelligence artificielle plus accessible et plus simple. Fin 2018, la Satt AxLR m’a parlé du projet de Bijan Mohammadi et début 2019, elle nous proposait de faire un programme de pré-maturation d’un an afin d’évaluer notre capacité à travailler ensemble. Nous venons de deux mondes très différents : le monde universitaire et le monde des entreprises privées. Fin 2019, nous avons alors démarré un projet de maturation d’un budget de près d’un million d’euros. Et puis la crise sanitaire est arrivée. Le 28 décembre 2021, nous avons enfin créé la société Bondzai avec l’ensemble des 6 personnes qui s’y trouvent encore aujourd’hui comme actionnaires. Bijan Mohammadi a lui aussi participé à la création de cette start-up via un concours scientifique (regarder Décollage#3 Vers le concours scientifique). Nous avions un algorithme et de premiers démonstrateurs centrés sur la voix, c’est-à-dire la commande vocale, qui ciblaient l’environnement de l’industrie.
L’algorithme d’intelligence artificielle que vous avez développé possède des spécificités innovantes, lesquelles ?
Il y en a trois. La première est que notre algorithme a la capacité de s’adapter à la dynamique du contexte dans lequel il est utilisé, c’est-à-dire de créer l’IA sur place et en temps réel. Être capable d’apprendre en quelques secondes permet d’intégrer les changements, notamment les variations intempestives comme le bruit dans le cas d’une commande vocale, et ainsi de continuer à identifier la personne qui parle et donne une commande. La deuxième spécificité de notre algorithme est qu’il apprend de très peu de données et qu’une simple interaction avec une personne suffit à corriger l’IA si elle se trompe. L’IA va prendre en compte cette information, qu’elle soit positive ou négative, et renforcer sa connaissance. Sa troisième spécificité est que notre IA n’a pas besoin de serveur, de cloud ni de ressource infinie pour faire ses calculs. Elle est embarquable sur l’appareil et donc autonome. Cela veut dire qu’il est possible de la mettre dans votre voiture, sur une calculette ou une petite carte électronique…
A quels marchés s’adresse votre technologie ?
Il y a tout d’abord le marché de l’industrie 4.0, lequel concerne des problématiques de qualité, comme la détection d’anomalies, et de maintenance prédictive. Nous travaillons notamment avec Renault sur ces problématiques. Nous analysons les bruits des opérations effectuées par la machine-outil afin de déterminer d’éventuelles anomalies, et nous sommes en train de faire évoluer notre solution vers l’analyse d’image. Le deuxième secteur que nous visons concerne les interfaces homme-machine appliquées (advanced human machine interface), lesquelles remplacent le clavier par de la gestuelle pour permettre de commander par exemple des écrans.
Quels sont les produits que vous comptez commercialiser ?
Nous introduisons DavinSy, un système logiciel embarquable et l’outil qui permet de le configurer et qui s’appelle Maestro. Notre but est de vendre des licences et donc de rendre nos clients, fabricants d’objets connectés type iOT industriels, autonomes en ce qui concerne le développement de l’IA.
A quels défis doit faire face Bondzai aujourd’hui ?
Le premier défi est financier : nous préparons actuellement notre première levée de fonds, d’un montant de 3 millions d’euros. Nous avons pour cela besoin de convaincre le monde financier que notre technologie, en rupture par rapport au modèle d’IA dominant, est un vecteur fort de progrès. Une fois la levée de fonds réalisée, nous souhaitons augmenter le nombre de salariés à dix-neuf personnes. Notre deuxième challenge est de tout faire pour que le produit soit commercialisable fin 2023- début 2024, afin d’engranger rapidement un chiffre d’affaire récurrent. Si tout se passe bien, cette diversité va nous amener à nous développer à l’étranger et sur des secteurs industriels nouveaux dès 2026. Notre solution logicielle est une invention fondamentale de rupture, au cœur de beaucoup d’appareils, ce qui signifie que notre marché est mondialisé.
La question de l’IA est source de nombreuses craintes, notamment depuis le raz-de-marée déclenché par le phénomène ChatGPT, comment y répondez-vous ?
La question de l’IA réveille les peurs, ce qui amène à une incompréhension totale. Notre IA a pour vocation de fabriquer des choses de meilleure qualité tout en valorisant la connaissance et le savoir-faire humain. Dans le cadre du contrôle de qualité, notre IA dialogue avec des opérateurs, lesquels peuvent la corriger et l’améliorer en lui signalant quand elle se trompe. Notre volonté est de mettre l’humain au centre de l’apprentissage pour qu’il transmette, et pas seulement à la machine.