[LUM#21] Dans l’île du cyclone
Feuilles arrachées, branches brisées, troncs cassés, arbres déracinés… Quand le vent avoisine la vitesse d’un TGV, comment les arbres peuvent-ils résister ? Une question cruciale pour les forêts des îles du Pacifique Sud-Ouest qui affrontent chaque été austral entre cinq et huit cyclones qui sculptent ces écosystèmes insulaires.
Comment les forêts tropicales survivent-elles face aux cyclones ? Pour mieux connaître ces écosystèmes, Thomas Ibanez, chercheur au laboratoire Amap1, a participé à une étude visant à analyser la résilience des forêts face aux cyclones dans 76 îles de Nouvelle-Calédonie, du Vanuatu, de Wallis et Futuna, des îles Fidji, Samoa et Tonga. Entre 2000 et 2020, 74 cyclones ont parcouru la région avec des effets divers sur la végétation. « Nous avons voulu caractériser, en lien avec la force des cyclones, le degré de changement que la végétation a subi et le temps qui lui est nécessaire pour récupérer son état antérieur », explique le spécialiste de la conservation des forêts tropicales.
Résilience des forêts
Cette étude a mobilisé plusieurs disciplines, de la télédétection à la modélisation, pour reconstituer le trajet des cyclones, la vitesse des vents et visualiser l’état des forêts avant et après les tempêtes. « Pour les vents les plus violents qui atteignent 280 km/h, les pertes en végétation atteignent 40 % et le temps de régénération dépasse 5 mois », détaille Thomas Ibanez. Et dans 20 % des zones affectées par ces vents dévastateurs, la forêt ne s’était toujours pas régénérée au bout d’un an.
« La résilience des forêts a des limites qui risquent d’être dépassées dans le futur car avec le réchauffement climatique, les cyclones qui affectent cette zone pourraient s’intensifier, non pas en fréquence mais en force », explique Thomas Ibanez. Le réchauffement des eaux de surface qui sont le berceau des cyclones aura une autre conséquence importante : la modification de leur trajectoire. « Certaines forêts qui étaient jusqu’à présent épargnées risquent d’être balayées par ces vents violents », souligne le chercheur.
Adaptation
Comment des arbres caressés jusque-là par de douces brises vont-ils réagir dans la tourmente ? « Certains sont mieux adaptés, les petits et trapus, ceux qui ont moins de feuillage et donc moins de prise au vent », détaille Thomas Ibanez qui évoque aussi d’éventuelles stratégies d’adaptation au cours desquelles les arbres perdraient plus facilement leurs feuilles et leurs branches afin d’augmenter les chances d’épargner le tronc.
« On souhaite également déterminer quelles sont les caractéristiques des arbres qui les rendent plus résistants : hauteur, diamètre, densité du bois, mais il est difficile de mener des expériences destinées à simuler la contrainte des vents. » Pour être au plus près de ces forêts insulaires, Thomas Ibanez va poser ses valises pendant trois ans en Nouvelle Calédonie pour y étudier l’impact des cyclones sur la structure et le fonctionnement des forêts. « Les îles concentrent les enjeux de biodiversité, elles ne représentent que 6,7 % de la surface terrestre, mais abritent 20 % de la biodiversité mondiale, 50 % des espèces reconnues comme menacées, et 75 % des extinctions connues. »
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- Amap (UM, Cirad, CNRS, Inrae, IRD)
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