Défis climatiques
Jean Jouzel était l’invité d’honneur du salon HydroGaïa 2016. Sur l’avenir climatique de notre planète, le Prix Nobel dresse un état des lieux sans concession. “Stabiliser l’effet de serre si l’on ne veut pas aller vers une catastrophe : c’est un constat de simple bon sens” explique Jean Jouzel.
Pour le Prix Nobel, l’heure est grave. Mais il estime que les politiques prennent dorénavant au sérieux une communauté scientifique qui n’a cessé de les alerter, depuis plus de 30 ans, sur les dangers du réchauffement climatique.
Brève échéance
Premier constat : “le réchauffement est sans équivoque et sans précédent. Il est dû pour une large part, estimée à 95%, aux activités humaines”. Principaux responsables désignés : les gaz à effet de serre. Stabiliser l’effet de serre revient donc à réduire les émissions. Si l’on ne fait rien, il faut s’attendre à “un réchauffement de 4 à 5 degrés Celsius avant 2100″.
Une hausse de température brutale, inédite et extrêmement préoccupante, d’autant qu’elle pourrait continuer à s’accentuer… “Une perspective effrayante : on passe dans un autre monde” commente le climatologue. Un danger à brève échéance : “il ne menace pas les générations futures, mais bien les jeunes d’aujourd’hui” précise-t-il.
Irréversible
Inverser la tendance ? Impossible. En matière de climat, il n’existe pas de marche arrière… et nous payons le prix de chaque indécision passée. D’où l’importance d’enclencher dès aujourd’hui un comportement vertueux. Traduction : il s’agit très concrètement de “désinvestir de façon rapide et importante le secteur des énergies fossiles”.
“Le réchauffement est là, il est inéluctable, il est irréversible” martèle Jean Jouzel. Seul objectif envisageable : le tenir dans des limites raisonnables afin de s’y adapter. Contenir l’augmentation moyenne de la température de la planète en-dessous de 2 degrés d’ici la fin du siècle : c’est l’un des principaux points de l’accord de la conférence de Paris sur le climat (COP21).
Défi
“Si on veut rester en-dessous de 2 degrés, on n’a plus qu’une vingtaine d’années d’utilisation de combustibles fossiles, au rythme actuel, commente Jean Jouzel : un véritable défi !”. Et si les termes de la conférence de Paris restent “loin de l’objectif”, le climatologue se félicite tout de même de cet “accord universel” signé par les 195 pays présents.
Prochaine étape : la COP 22, qui se tiendra à Marrakech du 7 au 18 novembre 2016. Une rencontre qui après les accords de Paris est attendue comme une “COP de l’action”. “Il faut y aller tout de suite ! C’est techniquement possible et pour les jeunes générations le défi est enthousiasmant : changer le monde, plutôt que continuer sur la même trajectoire”. Une révolution à faible coût, assure le climatologue : “rester en-dessous de 2 degrés reviendrait à diminuer le PIB à peu près d’un an tous les 30 ans. Rien de suicidaire, il s’agit d’une autre forme de développement“, conclut-il.
Si rien n’est fait…
Avec une hausse moyenne des températures de 4 à 5°C, des conséquences graves sont à attendre sur la zone méditerranéenne comme dans le monde entier…
- une acidification des océans : les océans seraient deux fois plus acides qu’ils ne l’étaient au début du siècle dernier, avec une menace directe sur les poissons et les récifs coralliens ;
- des “extrêmes climatiques” : sécheresses, inondations, canicules, cyclones… Dans nos régions, une augmentation des évènements extrêmes de types cévenols est à prévoir ;
- des risques sur les populations : réfugiés climatiques, raréfaction des ressources en eau, problèmes d’alimentation, mais aussi de sécurité : le réchauffement contribue en effet à l’instabilité politique de nombreuses régions ;
- des problèmes environnementaux : perte de la biodiversité, pollution, santé…;
- des phénomènes irréversibles : l’élévation du niveau de la mer par exemple. Sur nos côtes, elle pourrait atteindre près d’1 mètre dans certaines zones : une grave menace pour les régions basses, comme la Camargue.
Jean Jouzel est l’un des climatologues et glaciologues les plus connus au monde, distingué par de nombreux prix : Médaille d’or du CNRS en 2002 avec Claude Lorius ; Prix Nobel de la paix en 2007 avec le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et Al Gore ; Prix Vetlesen en février 2012.