Des hydrologues sur le toit du monde

C’est le Graal des alpinistes, mais c’est aussi un terrain de recherche hors normes pour les hydrologues : la chaîne himalayenne constitue en effet un réservoir d’eau majeur qui alimente de grands bassins fluviaux très peuplés, comme le Gange ou l’Indus.

Géopolitiquement sensible, cette zone est longtemps restée inaccessible aux scientifiques, n’autorisant qu’une poignée d’études sur l’hydrologie des vallées. Depuis 2010, des chercheurs français ont entrepris une étude systématique de la région népalaise du Khumbu, profitant de la présence d’un laboratoire italien au pied du plus haut sommet du monde. François Delclaux, hydrologue de l’IRD au laboratoire Hydrosciences Montpellier, chemine chaque année depuis le village de Lukla, à 2860 mètres d’altitude, jusqu’au célèbre laboratoire installé à 5000 mètres d’altitude. Un périple scientifique en altitude afin d’obtenir des données hydro-climatiques suffisamment fiables pour comprendre les processus hydrologiques, les modéliser et prévoir ainsi l’évolution des ressources en eau de la vallée de la Dudh Koshi. En 2012, le photographe Olivier Boulanger l’a accompagné, nous plongeant au cœur de cette mission sur le toit du monde.

Chercheurs et Sherpas, un partenariat indispensable

Après 40 minutes d’avion, les chercheurs atteignent le village de Lukla à 2 860 mètres d’altitude. À partir de là, tout déplacement s’effectue à pied. Pour transporter les quelque 50 kilos de matériel scientifique, les hydrologues ont loué les services de trois porteurs. Le partenariat avec les Sherpas, principaux habitants de la haute vallée de l’Everest, est indispensable pour la réussite de la mission. Tout au long de l’année, ils hébergent, entretiennent et relèvent les données des différentes stations de mesure.

Prendre des mesures en altitude

Pour comprendre le cycle de l’eau, les hydrologues ont installé des stations hydrométriques sur les principaux cours d’eau. Et pour mesurer les précipitations neigeuses, ils ont installé une simple planche de bois surmontée d’une tige métallique. Chaque matin, un habitant du village mesure la hauteur de neige tombée la veille et recueille un échantillon calibré afin de déterminer le volume d’eau correspondant.

Une pression touristique croissante

Le parc national de Sagarmatha reçoit chaque année 30 000 touristes. Pour les accueillir, les Sherpas ont construit des lodges, installé des sanitaires, modifié leurs pratiques agricoles. Un développement qui accroit la pression sur la ressource en eau : dans cette partie de l’Himalaya, les changements environnementaux liés au tourisme sont plus importants que ceux dus aux changements climatiques.


Crédit Photo : Olivier Boulanger