Et si on refaisait le climat ?
Automnes diluviens, sécheresses inquiétantes : est-ce notre avenir ? Le point sur le temps qu’il risque de faire, à l’heure de la Conférence de Paris sur le climat (COP21). L’été qui vient de se terminer ? Sec, chaud, lumineux. Une bénédiction pour les touristes. Mais une source d’inquiétude grandissante pour les climatologues.
Sur l’état du climat et son évolution, Eric Servat ne cache pas ses préoccupations. Hydrologue, il est directeur de l’Observatoire de Recherche Méditerranéen en Environnement (Oreme), dont l’objectif principal est de comprendre les milieux méditerranéens et d’étudier les risques naturels.
Les changements climatiques sont là
« Jusqu’ici, les rapports du GIEC* – qui font autorité en la matière – restaient d’une grande prudence sur l’impact des changements climatiques. C’est terminé ! Aujourd’hui tout le monde sait qu’on y est. Les changements climatiques n’appartiennent plus à l’avenir. Ils sont là, sous nos yeux » révèle Eric Servat.
Les bouleversements climatiques auront-ils un impact concret sur nos vies ? Pour Eric Servat, c’est déjà le cas. Et l’hydrologue de faire un lien direct entre les étés de plus en plus chauds et les célèbres « épisodes cévenols », ces pluies diluviennes qui bouleversent régulièrement la région Languedoc-Roussillon. « La mer Méditerranée est un facteur d’instabilité, explique-t-il. Ce milieu quasiment fermé se comporte comme une cocotte-minute lorsqu’il est chauffé, générant alors de fortes instabilités météorologiques dans la région« .
Tendances lourdes
C’est ainsi qu’on a connu, à l’automne dernier, pas moins de 9 événements climatiques importants en Languedoc-Roussillon. Cet automne 2015 n’est pas en reste, avec dès le 23 août des précipitations extrêmes sur Montpellier qui ont fait deux victimes, et des inondations qui ont dévasté la ville de Lodève le 14 septembre. Des épisodes plutôt précoces, sans doute encore un signe de modifications climatiques selon les climatologues…
Responsable ? Le réchauffement planétaire : la cause est entendue. S’il n’existe pas de chiffres officiels, tout semble indiquer que la période que nous vivons depuis 3 décennies est très particulière : « sans doute la plus chaude qu’ait connu l’hémisphère nord depuis près de 1400 ans« , souligne Eric Servat. « Depuis le début du 20e siècle le niveau moyen des mers s’est élevé de 19 cm. Le mouvement s’accélère très probablement depuis les années 50« .
Une tendance qui ne risque pas de s’inverser de sitôt. Car le système climatique global est d’une inertie gigantesque. Pour le décrire, les climatologues ont cette image : coupez le moteur d’un paquebot lancé à pleine vitesse, il continuera très longtemps à avancer. Une idée que les pouvoirs publics ont d’ailleurs intégrée, puisque les mesures imaginées aujourd’hui ne visent pas à inverser la tendance… mais à la limiter à une hausse de température de 2 degrés d’ici à la fin du siècle.
Interview de David Mouillot (Marbec)
Interview d’Olivier Maury (Marbec)
Inondations et sécheresses
Des pouvoirs publics qui doivent prendre conscience de l’ampleur des risques, selon le directeur de l’Oreme. « En méditerranée, cela se traduira par une baisse de précipitations annuelles de l’ordre de 5 à 30% ». Une véritable catastrophe pour de nombreuses régions du Moyen-Orient et de la rive Sud de la Méditerranée, qui se trouvent déjà en-dessous du seuil critique de « stress hydrique » : moins de 1000 m3 d’eau par an et par habitant.
« Pour ces populations, cela signifie des difficultés grandissantes pour accéder à l’eau, ainsi que des problèmes pour la production agricole et un impact important sur l’environnement« , conclut Eric Servat. Et l’hydrologue de rappeler deux chiffres : « les inondations représentent déjà un tiers des catastrophes naturelles, et plus de la moitié des morts dus à ces catastrophes« .
2015, année phare pour le climat
La France présidera, à Paris, en décembre 2015 la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique.
L’enjeu : aboutir pour la première fois à un accord universel et contraignant, permettant de lutter efficacement contre le dérèglement climatique et d’impulser une véritable transition vers des sociétés plus viables et plus sobres en carbone.
* Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été créé en 1988 pour évaluer les changements climatiques.