Étudiants un jour…
« En immersion » au campus Triolet, les lycéens ne retiennent pas leur souffle. Enquête sur des journées destinées à les familiariser avec un autre univers qui sera peut-être le leur demain.
15 février, campus Triolet : une centaine de lycéens partent à l’assaut de l’université. Un monde fascinant à explorer, dont ils ignorent encore tout ou presque…
9h30 : rassemblement dans le hall de la bibliothèque universitaire des sciences. Quelques dizaines de jeunes attendent de partir à la découverte d’un univers nouveau, dans lequel ils évolueront peut-être l’année prochaine. Pour l’observateur extérieur, rien ne distingue vraiment ces élèves de terminale des étudiants en première année de licence. Trois lycées de la région sont accueillis aujourd’hui : le lycée Jules Guesde de Montpellier, le lycée Pompidou de Castelnau-le-Lez et le lycée Gide d’Uzès.
« Journée d’immersion »
« Il en manque encore trois« , s’inquiète l’un des professeurs accompagnateurs. Les retardataires font leur apparition pendant que Sophie Khachni met ses invité(e)s à l’aise : « pendant les cours, l’enseignant va peut-être dire des choses compliquées, vous n’allez pas tout comprendre. Ne vous inquiétez pas, vous n’êtes pas là pour ça ! L’objectif aujourd’hui c’est d’avoir un premier aperçu de l’université, de vous imprégner de l’ambiance« .
Les lycéens sont ici en « journée d’immersion » : c’est l’expression employé par le SCUIO-IP où travaille Sophie. Premier point au programme : assister à un cours magistral. Le groupe des terminales S venu de Castelnau s’ébranle : direction l’amphi 5, pour un cours de chimie générale. Les élèves traversent une petite partie des 20 hectares du campus Triolet, déjà de quoi laisser rêveur… Ambiance ? Un peu paumés, mais sereins, les lycéens…
– Y’a même un distributeur d’argent !
– C’est plus grand que le lycée, je te le dis !
– T’as vu ça ! Il faut prendre un Uber pour changer d’amphi ! (rires)
– Ce matin en cours vous allez voir, on va comprendre rien du tout.
Une prophétie qui semble bien se réaliser quand le groupe prend enfin place dans l’amphi 5, où résonnent d’énigmatiques questions : « quelle est l’influence du nuage électronique 10s sur le comportement de l’électron 1s ?« . Sur les bancs de l’immense amphithéâtre aux 250 places assises, le silence règne, profond.
Incertitudes à 4 mois du bac
A l’extérieur, un autre groupe entoure Thomas Bessède, « étudiant ambassadeur« . Avec d’autres volontaires de l’université de Montpellier, il est là pour guider ces visiteurs d’un jour. « Vous allez voir les enseignants-chercheurs : ils sont calés. Mais parfois pas facile à suivre ! Des fois on se dit qu’on n’y arrivera pas. Mais avec du travail ça se fait« . Il y a quelques années, alors lycéen, Thomas était à la place de ses interlocuteurs. « Je me suis senti paumé le jour où j’ai visité l’université. Ça avait l’air dur« , se rappelle-t-il.
Devant un auditoire suspendu à ses lèvres, il brosse un tableau rapide de la vie à l’université. A quatre mois du bac, ses auditeurs semblent plutôt incertains quant à leur avenir proche. Ce qu’on fera après ? Pas encore facile à dire… Seules deux lycéennes ont clairement fait leur choix : IUT pour l’une, fac de médecine pour l’autre. Le reste du groupe ne sait pas encore vraiment de quels horizons l’an prochain sera fait…
Opération « lycéens à l’université »
A l’Université de Montpellier, l’opération « lycéens à l’université » permet de se faire une image de son avenir. L’idée : les accueillir à certaines périodes pour leur permettre de goûter à l’expérience universitaire, sur une journée ou une demi-journée. Le temps de découvrir ce nouveau monde et de commencer à s’y familiariser.
Psychologue du travail, Virginie Baudelot est chargée de cette mission. Selon elle, les lycéens vivent l’après-bac comme un véritable saut dans l’inconnu. « L’université ? Les lycéens n’ont aucune idée de ce que ça représente ! Cela recouvre beaucoup de filières et de cursus différents. Ce qu’ils connaissent parfois, c’est certaines composantes de l’UM : une école d’ingénieurs comme Polytech, la faculté de sciences ou de médecine, ou encore l’IUT« .
Découvrir le campus
Les classes viennent avec leurs enseignants : ils sont de plus en plus nombreux à s’inscrire à ce programme, initié en 2006 avec le Rectorat de Montpellier et les lycées de la région. Au programme, des cours magistraux, mais aussi des échanges avec les étudiants volontaires pour venir témoigner de leur vécu : un moment particulièrement apprécié.
« On parle surtout de la première année, en insistant sur les nouveautés qu’ils vont rencontrer. On donne des informations pratiques : jobs étudiants, bourses, logements« . Surtout, il s’agit de détailler les filières et les types de formations, pour accompagner chacun vers la voie qui lui ressemble. Mais aussi de mettre à mal certaines idées reçues : « on n’est pas là pour vendre du rêve, mais on rétablit la vérité : l’université c’est facile parce qu’il n’y a pas de sélection ? Faux ! Les taux d’insertion professionnelle sont bons ? Vrai !« .
Au total, près de 600 lycéens ont participé cette année, inscrits par leurs enseignants. Première grande découverte, « la nécessité d’être autonome et organisé, de définir son parcours, de faire soi-même des démarches« , au sein d’un campus perçu comme « une petite ville dans la ville, avec sa vie culturelle, sociale, associative ou sportive« .
Des lycéens qui selon une étude menée en 2016-2017 se disent dans leur quasi-totalité satisfaits ou très satisfaits d’avoir pu participer, notamment parce que cela leur permet d’avoir un aperçu des exigences des études supérieures et les amène à réfléchir ou repenser leur orientation. Les enseignants, eux, se déclarent très largement satisfaits de l’organisation et de l’accueil.
Accompagnateur des lycéens du lycée Pompidou de Castelnau-le-Lez, Nicolas Maillet est agent de laboratoire. Lui-même « passé sur les bancs de la fac des sciences de Montpellier de 1998 à 2004″, il est conscient de l’importance des « journées d’immersion » qui permettent de faciliter la transition lycée-université.
« Les lycéens découvrent une réalité nouvelle : l’université est un lieu ouvert, où l’on est pleinement maître de son parcours. Rien à voir avec le lycée où les élèves sont encore très assistés. Le choc est parfois important… Ici par exemple, l’enseignant ne dicte pas : à chacun de se débrouiller pour prendre des notes« .
Principal intérêt de ces journées ? « Éclairer la voie : on les aide à se faire une idée un peu plus réaliste de la poursuite des études dans le supérieur. Il faut donc montrer la réalité telle qu’elle est : le parcours n’est pas forcément facile, et on ne se retrouve pas forcément dans l’avenir qu’on s’était projeté« .
Un conseil aux futurs étudiants ? « Se préoccuper très tôt de son avenir. L’université est très diversifiée, et offre beaucoup de possibilités. Il faut avoir dès le début une vision claire de son parcours, sinon on risque de s’y perdre. Ce n’est pas en une journée que ça se fait. Mais ça peut aider ! »