[LUM#19] Forever bois

De la domestication du feu à la préhistoire aux poêles à granulés qui fleurissent aujourd’hui dans nos salons, le bois reste une source d’énergie incontournable. Une énergie par essence qui a de l’avenir, notamment grâce aux recherches qui visent à optimiser son usage pour mieux préserver la ressource et l’environnement.

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Un tiers de la population mondiale, soit 2,4 milliards de personnes dans le monde, utilisent le bois comme première source d’énergie, que ce soit pour la cuisine, pour le chauffage ou même pour produire de l’électricité. « Le bois est la principale ressource énergétique des pays du Sud », précise Bruno Clair, chercheur CNRS au Laboratoire de mécanique et génie civil de Montpellier (LMGC)* et co-responsable du master Sciences du Bois

Mais son usage est largement répandu sur les deux hémisphères, en témoignent les 88,5 millions de personnes qui utilisent des combustibles ligneux en tant que principale source de chauffage, essentiellement en Amérique du Nord et en Europe. « D’ailleurs les locaux de l’Université de Montpellier sont eux-mêmes alimentés par une chaufferie au bois », fait remarquer le chercheur.

Marché en tension

Et partout le bois a le vent en poupe : « c’est la première source d’énergie renouvelable en France devant le solaire et l’éolien. Et sur un marché en tension où les prix du gaz et du pétrole s’envolent, de plus en plus de gens veulent se chauffer au bois », souligne Bruno Clair.

Comment préserver la ressource en bois face à cette demande qui ne cesse de croître ? « Par essence le bois est une énergie renouvelable car quand on coupe un arbre, une autre pousse si la forêt est gérée durablement », précise le chercheur. D’ailleurs en France la surface de forêt est en expansion, passée de 9 millions d’hectares en 1840 à 14 millions en 1985 et 17 millions d’hectares en 2021.

Une situation plus préoccupante à l’échelle mondiale : selon l’organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture, on estime à 420 millions d’hectares la perte forestière mondiale enregistrée depuis 1990. « Mais cette déforestation est peu liée à l’utilisation du bois comme source d’énergie ou matériau ! Pour l’essentiel ces arbres sont coupés pour créer de nouvelles surfaces agricoles », précise Bruno Clair. « Il faut savoir qu’une partie importante de la population en Afrique cultive pour produire sa propre alimentation, et comme ces cultures vivrières sont plus productives sur les parcelles tout juste déforestées, c’est la pratique la plus répandue encore aujourd’hui » ajoute François Pinta, chercheur au laboratoire BioWooEB (Biomasses, Bois, Energie et Bioproduits)**.

Meilleure option

Pour le chercheur du LMGC, le chauffage au bois représente souvent la meilleure des options. « Il y a un équilibre entre les émissions de CO 2 engendrées par la combustion du bois et les quantités de CO 2 absorbées lors de la croissance des arbres, mais il faut aussi prendre en compte la dépense énergétique pour son prélèvement, et son transport. Pour que l’énergie bois soit vertueuse, il faut que ce soit une valorisation de fin de chaîne après que les bois les plus nobles aient été valorisés pour des usages où le carbone y sera stocké sur des temps longs comme dans la construction », nuance Bruno Clair.

Un très bon bilan carbone qui ne signifie pas pour autant que le chauffage au bois n’est pas synonyme de pollution. « Quand la combustion est bien réalisée on peut considérer que le bois n’est quasiment pas émetteur de gaz à effet de serre, mais pour ça il faut que les procédés de combustion se déroulent dans de bonnes conditions », précisent sans langue de bois François Pinta et Kevin Candelier, également enseignants au master Sciences du Bois.

Dépolluer les fumées

Optimiser ces procédés, c’est justement un des axes développés par les deux chercheurs, et leurs collègues du laboratoire BioWooEB. « Certains processus bois-énergie comme la pyrolyse du bois dégagent une grande diversité de molécules gazeuses, non seulement du dioxyde de carbone, mais aussi du monoxyde de carbone, des particules fines et d’autres composés volatiles, tel que l’acide acétique par exemple, détaille Kevin Candelier. Nous analysons la composition de ces fumées produites dans différentes conditions pour mieux les connaitre et chercher à les valoriser. »

Car une fraction des composés chimiques émis peut être très polluante pour l’environnement et toxiques pour la santé humaine. « Nos recherches visent à réduire la pollution liée à l’usage du bois énergie, notamment en visant la dépollution des fumées du processus de production du charbon de bois », précise François Pinta.

Et si l’optimisation des procédés d’utilisation du bois-énergie permet de préserver l’environnement et la santé, les vertus de ces recherches vont bien au-delà. « Si le combustible est bien utilisé, on réduit les besoins en bois donc on réduit les coûts et la pression sur les ressources naturelles, la recherche offre un véritable cercle vertueux d’amélioration », conclut François Pinta.

Un gaz sain

Quand il s’agit de générer de l’énergie avec la biomasse, les chercheurs de BioWooEB font feu de tout bois. Ce dernier peut ainsi être l’objet de divers procédés de transformation : combustion, carbonisation, torréfaction, carbonisation, pyrolyse flash, et même gazéification. « La gazéification est une transformation thermochimique consistant à décomposer sous l’effet de la chaleur un solide combustible carboné en présence d’un réactif gazeux », détaille François Pinta. A l’arrivée on obtient un gaz qui peut être utilisé comme combustible. Son petit nom ? Le Syngaz pour synthetic gas. Une fois purifié, il peut être utilisé en source d’alimentation d’un moteur à combustion interne pour produire de l’électricité ou dans un bruleur industriel pour produire de la chaleur. Dans les deux cas, il vise à remplacer avantageusement le gaz d’origine fossile et réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. « Le syngas est très intéressant quand on a besoin d’obtenir une chaleur maîtrisée, pour cuire des briques de terre cuite à de très hautes températures par exemple. Notre équipe suit actuellement de nouvelles applications mises en place dans des entreprises en France et en Occitanie », illustre le chercheur.


* LMGC (UM, CNRS)
**BioWooEB (Cirad)


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