Infertilité, fibromes et endométriose : Womed, une start-up au chevet des femmes
Hébergée au Centre d’innovation et transfert (CIT) et en partenariat avec l’Institut de biomolécules Max Mousseron (IBMM), la start-up Womed poursuit le développement et la commercialisation de son premier produit, le dispositif médical Womed Leaf qui vise à prévenir la formation d’adhérences intra-utérines. Déjà lauréate de nombreux prix, la société planche actuellement sur de nouvelles technologies capables de traiter les fibromes, l’endométriose et les saignements utérins.
C’est l’histoire d’une petite entreprise qui monte, qui monte, qui monte… Dans les locaux du Centre d’innovation et transfert du pôle chimie Balard (bâtiment recherche), Womed est en train de franchir un cap important. Fondée en 2018 sous la tutelle de l’Université de Montpellier, du CNRS, de l’École de chimie de Montpellier, de la SATT AxLR et du CHU de Nîmes, cette start-up vient de lever 6 millions d’euros pour développer et commercialiser Womed Leaf. Un dispositif médical innovant qui consiste à utiliser un film polymère en guise de pansement utérin pour prévenir la formation de synéchies (ou adhérences) et les problèmes d’infertilité qu’elles peuvent induire. À partir de la technologie polymère développée en partenariat avec le département Polymères pour la santé et biomatériaux de l’IBMM, ce dispositif pourrait bientôt évoluer en un système de libération prolongée de médicaments pour traiter différentes pathologies utérines dans la durée…
Des adhérences qui se reforment dans près de la moitié des cas
Entré en production début 2024 après plusieurs années d’études et de tests prometteurs, Womed Leaf est le fruit d’une découverte à trois têtes. Stéphanie Huberlant (CHU de Nîmes), Salomé Leprince (R&D manager Womed) et Xavier Garric (UM/CHU de Nîmes) planchent en effet sur ce polymère depuis 2013. A l’époque, ils ambitionnent de réduire le risque de formation des synéchies, ces adhérences utérines qui touchent près de 500 000 femmes par an dans le monde. “La synéchie, c’est une sorte de toile d’araignée qui vient se former dans l’utérus, après une opération chirurgicale la plupart du temps, et qui perturbe le fonctionnement normal de l’utérus”, explique Xavier Garric. En bref, elles entraînent un risque accru d’infertilité, de fausses couches voire de grossesses intra-utérines, mais elles peuvent aussi compliquer l’écoulement des règles. Et malgré la possibilité de les réduire à l’aide d’un acte chirurgical, ces adhérences se reforment dans près de la moitié des cas. Une véritable plaie en somme, que le monde médical n’arrivait pas à enrayer jusqu’ici.
Breveté dès 2016, le dispositif ultra-innovant des fondateurs de Womed a été développé en collaboration avec le service de gynécologie du CHU de Nîmes. Composé d’un film polymère capable d’épouser la paroi utérine, Womed Leaf se déploie quasi instantanément au contact des muqueuses. “Les adhérences se forment dans la première semaine qui suit l’opération. Jusqu’ici, on utilisait un gel à l’acide hyaluronique, mais son effet était beaucoup trop court avant qu’il ne se transforme en solution. Womed leaf reste en place au minimum une semaine pour jouer ce rôle de barrière mécanique anti-adhérentielle, avant de s’évacuer naturellement”, détaille le chercheur.
Une amélioration clinique significative
Créée en février 2018 par Gonzague Issenmann, Xavier Garric et Stéphanie Huberlant la start-up a rapidement conquis l’écosystème scientifique et médical. Cette même année, l’équipe a été lauréate du Grand prix I-Lab, avec une enveloppe de plusieurs centaines de milliers d’euros à la clé. Un coup de pouce considérable qui lui a permis d’embaucher ses trois premiers salariés et de réaliser tous les tests nécessaires. En 2021, peu après l’obtention du marquage CE (certification européenne), Womed a donc lancé une étude, internationale randomisée “multicentrique” sur 154 patientes, destinée à démontrer son efficacité dans plusieurs services de gynécologie traitant les cas de synéchie les plus sévères à travers le monde.
À cette occasion, le dispositif a voyagé en Hollande, Belgique, République Tchèque, Italie, Espagne, Chine… Et les résultats – obtenus en janvier 2024 – se sont avérés “excellents”. “Nous avons montré que les femmes avaient 2,4 fois plus de chance de ne pas avoir d’adhérence quand on utilise le dispositif médical après une cure. Womed Leaf est donc la première barrière intra-utérine à montrer une amélioration cliniquement significative dans cette indication complexe », résume Xavier Garric. Déjà utilisé dans les CHU de Nîmes et de Montpellier, ce dispositif pourrait bientôt conquérir les différents services de gynécologie de France et d’Europe, avant de viser les USA dès 2025.
Fibromes, saignements, endométriose
Mais d’ores et déjà, Gonzague Issenmann, Xavier Garric et tous les salariés de Womed sont en train d’imaginer la suite. “Nous sommes repartis en recherche et développement pour créer un système de libération intra-utérin”, explique le chercheur. Cette fois-ci, l’objectif va bien au-delà du simple pansement « mécanique ». Le dispositif pourrait en effet transporter et diffuser des molécules de manière prolongée. L’idée ? Faciliter à court terme le traitement des fibromes, puis celui des saignements utérins et de l’endométriose.
“Certains médicaments administrés par voie orale ont des effets secondaires importants et leur efficacité systémique n’est pas suffisante. Ce système pourrait nous permettre de résoudre ce genre de problèmes. Le but ici, c’est de permettre à notre dispositif de résister plusieurs mois pour libérer des concentrations efficaces de médicaments tout en s’adaptant aux besoins des patientes”, ajoute Xavier Garric. D’où l’enjeu de cette levée de fonds, qui permettra à l’équipe de poursuivre l’exploration de cette étonnante matière. “En biotech, les sommes en jeu sont beaucoup plus importantes”, confirme le co-fondateur de cette société, fraîchement couronnée par le très sélectif prix de l’European innovation council en mars dernier. L’occasion de prouver, s’il le fallait encore, combien cette prouesse technologique avait visé juste.