[LUM#20] Le nouveau visage du dopage

Lutter contre le dopage pour aller vers un sport propre, c’est la mission de l’Agence mondiale anti-dopage qui s’est dotée d’outils efficaces. Mais si le recours à ces substances a effectivement diminué ces dernières années, le dopage n’a pas pour autant cessé comme nous l’explique Michel Audran, spécialiste du sujet à l’Institut des biomolécules Max Mousseron1.

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Erythropoïétine, si le nom de cette hormone qui stimule la fabrication des globules rouges semble imprononçable, son sigle en revanche est plus familier : EPO. Et pour cause, ce nom a été sur toutes les lèvres lors du tour de France 1998, marqué par plusieurs affaires de dopage. Une pratique qui a longtemps été en roue libre et qui a été prise à bras le corps à l’issue de ce « tour de la honte  ».

« Ce scandale a mis en évidence la nécessité d’avoir une agence internationale indépendante pour établir des normes dans la lutte antidopage et coordonner les efforts des organisations sportives et des autorités publiques », se souvient Michel Audran, chercheur à l’Institut des biomolécules Max Mousseron et spécialiste du dopage sanguin. A peine un an plus tard, l’Agence mondiale antidopage était fondée.

Course aux molécules

Parmi ses objectifs, ralentir la véritable « course aux molécules » qu’athlètes et laboratoires anti-dopage se disputent depuis des années, les premiers cherchant de nouvelles substances dopantes que les seconds ne sont pas encore capables de détecter. « Pour y mettre un terme, l’Agence mondiale antidopage a négocié avec les laboratoires pharmaceutiques qui lui donnent désormais les nouvelles molécules qui pourraient être utilisées comme produits dopants dès qu’elles rentrent en essai clinique. Donc au moment où la molécule arrive sur le marché, nous avons eu le temps de mettre au point des techniques de détection efficaces », explique le biophysicien.

Autre arme dans l’arsenal de l’Agence mondiale anti-dopage : le passeport biologique de l’athlète qui a été mis en place en 2010. « C’est un dossier électronique individuel qui permet le suivi au fil du temps de variables biologiques qui révèlent indirectement les effets du dopage », explique Michel Audran qui a dirigé pendant 3 ans le laboratoire anti-dopage de Châtenay-Malabry (lire Michel Audran, un spécialiste du dopage sanguin pour relancer le labo dans Libération 13/06/2017).

Passeport biologique

Tout au long de l’année, les sportifs concernés par ce passeport peuvent être soumis à tout moment à un prélèvement destiné à détecter l’usage de substances interdites. « Sa mise en place combinée à l’amélioration de la sensibilité des méthodes de dépistage ont considérablement réduit le recours à certains produits dopants par ces athlètes, aujourd’hui moins de 2 % des contrôles sont positifs en France », souligne Michel Audran.

Si le spécialiste estime que ce chiffre sous évalue une réalité probablement plus proche des 5 %, le recours au dopage semble en effet en perte de vitesse, ce qu’on constate aussi sur les performances sportives. « Par exemple depuis qu’on détecte les anabolisants, les records de lancer de poids, de javelot et de disque ont peu évolué », note le spécialiste.

Le sport serait-il devenu clean ? « En réalité le dopage n’a pas cessé mais il a changé de visage, pour échapper aux contrôles désormais les sportifs prennent des micro-doses de substances dopantes. Leurs performances sont moins améliorées, mais le risque de se faire prendre est plus faible. On se dope toujours, mais moins ; c’est un effet direct de la mise en place du passeport biologique qui porte ses fruits », analyse Michel Audran qui souligne cependant que de nombreux efforts restent à faire. « Il est notamment indispensable de développer des programmes d’éducation et de prévention pour empêcher la propagation du dopage dans le sport », conclut le chercheur.


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  1. IBMM (UM, CNRS, ENSCM)
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