Le pari de l’adaptation
Maintenir l’augmentation de la température sous le seuil de 2 degrés voire 1,5 degré ! C’est l’enjeu des accords de Paris ratifiés par plus de 200 états en 2015. Faute de le respecter, 90 % de l’humanité sera impactée par une forte baisse de la production agricole et de la pêche, d’après une étude internationale publiée dans Science Advance.
« 1,5 degré, plus aucun scientifique n’y croit ! Déjà si on reste sous les 2 degrés on sera très chanceux ! Dans le passé, l’effondrement des sociétés a presque toujours été la conséquence d’un manque d’adaptation. » Pour David Mouillot, chercheur au laboratoire de biodiversité, d’exploitation et de conservation marine de Montpellier (MARBEC), « il est urgent que la communauté internationale s’adapte ». Car si cette barre fatidique des 2 degrés venait à être franchie, 90 % de la population humaine mondiale seraient exposés à des pertes de productivité importantes dans les secteurs de la pêche et de l’agriculture.
90 % de la population mondiale touchée
Un chiffre issu d’une étude internationale menée par MARBEC et des laboratoires canadien, anglais, et australien. L’économie, l’emploi et le bol alimentaire sont les trois indices retenus pour mesurer la dépendance des pays à leur agriculture et à leur pêche, « combien d’emplois cela fournit, quel pourcentage du PIB ou quelle part du bol alimentaire quotidien ça représente » détaille David Mouillot.
D’après les différentes modélisations du climat futur, « les zones les plus impactées sont l’Asie du Sud-Est et l’Afrique. La Nouvelle-Zélande est très touchée sur son agriculture, en Indonésie ce sera la pêche, Madagascar où l’Ethiopie risquent de connaître des famines terribles. » Et si les scientifiques avaient espéré que des phénomènes de compensation entre agriculture et pêche permettraient de limiter les dégâts, les conclusions de l’étude ne vont malheureusement pas dans ce sens.
Quelques gagnants seulement
D’autres pays, parmi les gros émetteurs de CO2, font également partie des perdants. Les Etats-Unis risquent de voir leur production de blé et de maïs ainsi que leur pêche très ralenties. Idem pour l’Arabie-Saoudite, l’Inde, la Chine… « Ce qui est totalement aberrant c’est qu’ils sont perdants mais qu’ils ne font pas d’efforts pour réduire leurs émissions de CO2 » s’indigne le chercheur.
La maison ne brûle cependant pas à la même vitesse pour tout le monde, ainsi 3 % de la population pourraient bénéficier de gains de productivité d’ici 2100. Parmi ces grands gagnants : le Canada, le Japon, la Russie, la Scandinavie ou encore l’Angleterre. « Si les ressources se raréfient, si le blé est moins productif aux États-Unis ou en Ukraine il va se vendre plus cher. Les Canadiens s’adaptent et commencent à en cultiver. »
S’adapter pour résister
Le respect des accords de Paris limiterait pourtant ces pertes de productivité pour la plupart des pays, y compris les plus vulnérables, passant de -25 % à -5 % pour l’agriculture et de -60 % à -15 % pour la pêche. « Il nous reste dix ans, cela va très vite et nous sommes déjà en retard par rapport aux accord de Paris ! Dans tous les cas il va falloir adopter des stratégies d’adaptation et modifier nos modes de consommation » prévient le biologiste.
Choisir des cultures plus résistantes à la chaleur, remplacer le maïs par du blé, consommer de nouvelles espèces de poissons. « Il va falloir vous préparer à servir à vos invités de la méduse, du poulpe ou du poisson-lion… L’adaptation c’est un changement de culture aussi dans ce sens-là ! »