“Le PUI… une force invisible qui soutient tous les projets”

Vice-président de l’Université de Montpellier en charge des partenariats et de l’innovation, Philippe Combette pilote le PUI (Pôle universitaire de l’innovation). Après deux ans d’expérimentation et un an de labellisation, il dresse un bilan très convaincant…

Site pilote depuis 2021, l’Université de Montpellier a été labellisée pôle universitaire d’innovation en septembre 2023. Pourquoi était-il évident que l’Université se lance dans cette aventure ?

Tout est parti du label d’excellence I-site, dont l’acronyme faisait déjà référence aux termes “innovation”, “territoires”, “économie”… En la matière, les premières actions ont été menées dès 2017. En 2021, c’est le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche qui nous a sollicités avant l’expérimentation du PUI, parce qu’il considérait que le terrain montpelliérain avait déjà pas mal de qualités. A la fois vis-à-vis de notre université de recherche intensive, qui est très performante, mais aussi vis-à-vis de l’écosystème socio-économique local. La création d’entreprises est l’une des forces de cette ville, qui dispose aussi d’un BIC (Business innovation center) reconnu comme l’un des meilleurs au niveau international… Il était donc tout à fait pertinent que nous déposions un dossier pour la phase pilote des PUI…

En quelques mots, comment résumer le rôle et les missions du PUI ?

Nous ne voulions pas faire du PUI une sorte de totem par lequel doivent passer toutes les initiatives… Mais plutôt comme une force invisible qui soutient tous les projets. Le PUI, c’est un collectif qui œuvre à mailler un territoire bien identifié, en l’occurrence la métropole et son bassin de vie. L’objectif, c’est de faire en sorte que l’ensemble des acteurs de l’innovation se connaissent, travaillent ensemble, et in fine créent de l’emploi et de la recherche. La mission supplémentaire de ce pôle, c’est aussi de permettre aux différents laboratoires de recherche – qui ont souvent une vision nationale de l’innovation – de valoriser la recherche sur les sites locaux où ils sont représentés. A terme, le PUI souhaite augmenter la compétitivité des entreprises, et réindustrialiser les territoires.

Le monde universitaire et le monde de l’entreprise ont rencontré quelques difficultés avant de parvenir à travailler ensemble. Globalement, en quoi le PUI a-t-il réussi à insuffler une dynamique nouvelle ?

Chaque année, nous sommes challengés par des indicateurs qui nous permettent de savoir si nos actions portent leurs fruits. Pour la seule année 2023-2024, nous avons signé plus de 300 contrats de recherches avec les entreprises, pour un montant de 15 millions d’euros, alors que notre objectif d’ici 2025 était de 393. Nous avons dénombré 175 déclarations d’invention, or l’objectif est de 210 d’ici 2025. Nous avons créé 7 spin-offs et 25 startups, quand l’objectif est d’en créer 8 et 25 d’ici 2025… Bref, nous avons déjà atteint environ 75% de nos objectifs.

Qu’est-ce que cela représente en termes de moyens et de budget ?

Aujourd’hui, entre la phase pilote et la phase consolidée, nous avons une enveloppe de départ de 9 millions d’euros, et nous avons utilisé environ le tiers de cette somme. Cela nous permet de financer un collectif – dont les collectivités territoriales ont pris conscience et dont elles se sont aussi saisies – qui s’organise pour être le plus efficace possible.

Plusieurs dispositifs ont été mis en place pour valoriser les projets de recherche. En quelques mots, pouvez-vous nous parler des outils les plus performants ?

Nous avons trois outils principaux. D’abord “Companies and campus”, que nous avons mis en place en 2018. Ce dispositif consiste à faire venir des entreprises sur les campus pour leur permettre de bénéficier des équipements et de l’expertise de nos scientifiques, et de nous apporter également leurs savoir-faire. Nous attribuons des tickets de 40 à 50 000 euros par projet. Au total, 1,8 millions d’euros ont été investis depuis 2018, dont 500 000 en 2023, pour une quarantaine de projets.

Il y a le booster d’innovation de Montpellier (BIM) également ?

Oui le BIM, c’est quatre sessions par an depuis 2020 pour accompagner et coacher des porteurs de projets vers leur concrétisation. Au total, nous proposons 20 à 30 000 euros par projet, et une quinzaine de coachs par BIM, à la fois issus du monde de l’entreprise, du BIC de Montpellier, de l’agence régionale Ad’Occ ou de la Satt AxLR…  Là encore, notre force, c’est d’avoir un collectif qui dépasse le monde académique.  Enfin, nous avons le dispositif “Pré-incuber pour co-incuber”. Sorte de rampe de lancement destinée à détecter et accompagner la création d’entreprise, il regroupe plusieurs incubateurs académiques (comme Initium et AgroVallée) et public (comme le BIC de Montpellier). Au total, nous avons accompagné la création de 23 startups.

Vous drainez derrière vous de nombreux partenaires du territoire, qu’ils soient institutionnels ou privés. Quels sont, selon vous, les derniers freins à lever ?

Globalement, c’est un peu la lune de miel… Mais à un moment donné, pour passer à l’étape supérieure, il faut réussir à lever des fonds et c’est un peu plus compliqué. Il faut que nous réussissions à faire venir les investisseurs autour de la table pour qu’ils puissent prendre leurs décisions de façon sereine et en connaissance de cause.

En 2023, 12 startups deeptech ont été créées au sein du PUI. Et depuis 2021, ces jeunes entreprises innovantes made in Montpellier ont quand même réussi à lever plus de 360 millions d’euros. Quels sont les projets qui vous ont le plus marqué ou épaté ?

Je pense à deux très beaux exemples. La création de la société Terratis, qui nous a accompagnés lors de l’oral de l’ANR (Agence nationale pour la recherche). Clélia Oliva avait imaginé une technique d’éradication du moustique tigre par irradiation, et elle s’est dit : pourquoi ne pas monter une boîte ? Elle est allée voir le responsable de l’incubateur Initium, lui a soumis son idée, et a suivi l’action “Pré-incuber pour co-incuber”. Elle a aussi participé au BIM et bénéficié de l’accompagnement de la Satt AxLR, du BIC et de BPI France… Et la société Terratis est née. Aujourd’hui, cette technologie remarquable a déjà été déployée dans certains territoires de la métropole de Montpellier.

Cette année, notre doctorante Sarah Colombani a aussi fait preuve d’un parcours remarquable. Lauréate du BIM, elle a créé sa boite OcciCal Therapeutics destinée à développer un médicament pour soigner un dysfonctionnement respiratoire. Sarah est géniale, elle a une énergie folle. Elle a été soutenue par BPI France et le BIC. Elle a reçu le prix de l’innovation en juillet dernier. Et elle illustre parfaitement ce qu’on peut faire dans le cadre du PUI.

Est-ce que vous comptez cibler ou encourager des problématiques particulières dans les années à venir ?

Nous sommes un collectif, et nous avons défini des feuilles de route thématiques collectivement. Notre règle consiste à dire que si plus de deux membres fondateurs pensent que c’est une bonne idée, il faut aller dans cette direction. Donc ensemble, nous avons décidé de nous pencher plus précisément sur la problématique de l’eau, sur la santé numérique, la cancérologie, la transition énergétique… On envisage aussi de créer une feuille de route autour de la vigne et du vin.

En 2019 déjà, l’Université de Montpellier était considérée, selon le classement de Reuters, comme l’une des universités françaises les plus innovantes (la 2e  en France, et la 17e à échelle européenne). Quelles sont vos ambitions aujourd’hui ?

Cette année, nous allons créer un statut d’étudiant entrepreneur innovant. Nous nous sommes dit qu’il fallait s’ouvrir au vivier étudiant, et lui permettre d’accéder à toutes les actions déclinées pour les chercheurs dans le cadre du PUI. Aujourd’hui, il faut savoir que 90% de l’innovation est faite par 10 à 12% du monde académique, ce qui signifie que beaucoup de chercheurs ne sont pas sur le chemin de l’innovation pour de multiples raisons…

Et à l’échelle européenne ?

Dans les prochains mois, nous allons aussi accentuer notre ouverture vers l’Europe à travers l’EIC (ou Conseil européen de l’innovation), via plusieurs appels à projets et via la création d’alliances. Nous aimerions aussi capter davantage de financements européens sur la recherche et la partie innovation. Plus largement, au sein du PUI, nos cellules de prospection questionnent sans cesse notre façon de nous coordonner. C’est ce qui nous permet de faire toujours mieux, et de gagner en transfert de technologie, en recherche, en collaboration etc… En ligne de mire nous n’avons qu’un seul objectif : augmenter notre capacité à faire de l’innovation.

Chiffres clés

  • 360 contrats de partenariat par an ;
  • 175 déclarations d’invention par an ;
  • 33 licences d’exploitation ;
  • 12 startups Deeptech créées en 2023 ;
  • 360 millions d’euros levés depuis 2021 ;
  • 62 projets de startups et spin-offs accompagnés ;
  • 60 entreprises hébergées sur les campus.