L’écologue philosophe
Vincent Devictor est écologue à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier. Un chercheur engagé qui œuvre pour une science éclairée. Il visait les grandes écoles, il a finalement atterri à la fac. Un échec ? Non, une rencontre.
“J’ai tout de suite été séduit par cet univers, sa liberté, son haut niveau d’enseignement, les gens passionnés qu’on y rencontre, c’est tout sauf une voie de garage“. C’est surtout un vecteur de vocation pour le jeune homme d’alors : très préoccupé par la protection de la nature, il découvre l’écologie de la conservation et se penche sur l’impact des activités humaines sur l’environnement. “C’est une science impliquée, engagée, une science de l’urgence”. Mais ce n’est pas juste une science… “La discipline mêle l’écologie et l’éthique, c’est une approche assez récente qui a vu le jour dans les années 1980“.
Si Vincent Devictor consacre une partie de son travail à comprendre l’impact des changements globaux sur les oiseaux, il estime nécessaire de se questionner sur les valeurs engagées dans ce travail. “Je voulais porter un autre regard sur l’écologie, un regard qui permette de donner du sens au travail scientifique“. Ce regard c’est celui de la philosophie. “La science est pétrie de problèmes philosophiques, on ne comprend rien si on n’examine pas l’histoire des valeurs” souligne l’écologue qui mène en parallèle de ses recherches une thèse en philo à la Sorbonne, “pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons. Pour faire de la science éclairée“.
Donner du sens à la science
“Enquêter sur ce qu’est devenue la ʺnatureʺ dans les représentations, les savoirs et les politiques de la biodiversité permet de découvrir comment éthique, science et politique s’entremêlent“, explique Vincent Devictor dans son ouvrage “Nature en crise”* qui apporte un éclairage sur la crise écologique majeure que traverse notre société.
Quelles sont les voies qui s’offrent à nous dans cette épreuve de société ? Le développement durable et la croissance verte ? “Ces voies du consensus entretiennent l’idée fausse mais réconfortante que tout est possible”, souligne Vincent Devictor qui préfère s’interroger pour de bon sur les incompatibilités et les conflits de valeurs. Alors quelle perspective pour une sortie de crise ? “Il nous faut cultiver la recherche de nouvelles voies plus humbles, avec moins de démesure, qui résistent à la tentation de gérer l’humain et la nature comme on gère les bénéfices d’une entreprise“.
Comment ne pas être inquiet pour la biodiversité face à l’urbanisation galopante et à la disparition de nombreuses espèces ? Pour l’écologue philosophe s’il y a de quoi s’alarmer, il y a aussi des raisons de s’enthousiasmer, notamment quand on constate que certaines mesures de protection fonctionnent très bien. Même si elles ne suffisent pas… “Face à cette crise nous avons de bonnes recettes, mais il n’y a pas de menu idéal“.
* Nature en crise de Vincent Devictor, Editions du seuil, janvier 2015