L’efficacité des réserves marines compromise par la proximité humaine
Les bénéfices écologiques des réserves marines situées à proximité de l’Homme sont limités. C’est ce que démontrent des chercheurs de l’Université de Montpellier, de l’IRD et de l’Université de la Nouvelle-Calédonie, en association avec le CNRS, qui ont étudié 1 800 récifs coralliens, dont 106 situés dans 20 réserves marines. Ces travaux sont publiés dans PNAS.
Les réserves marines : un outil pour lutter contre la surpêche
Les récifs coralliens font partie des écosystèmes marins qui subissent le plus les impacts de l’Homme, avec comme conséquences une perte en biodiversité et biomasse (masse totale des organismes). Pour lutter contre les pressions humaines directes, notamment la surpêche, plus de 2000 réserves marines, couvrant plus de 6 % des récifs au niveau mondial, ont été mises en place. Certaines sont établies sur des récifs très proches de l’Homme ou des agglomérations côtières, d’autres sur des récifs isolés de toute présence humaine. Cette deuxième stratégie de conservation suscite souvent la critique : pourquoi préserver des systèmes écologiques isolés plutôt que protéger et donc restaurer des systèmes fortement dégradés au contact de l’Homme ?
C’est dans ce contexte que cette étude scientifique a été menée par un consortium international depuis 2016. Son objectif : estimer la biomasse en poissons et la présence de prédateurs supérieurs – comme les requins ou les piscivores de grande taille – dans les réserves marines afin d’évaluer leur efficacité. Ces espèces jouent un rôle essentiel dans le bon fonctionnement des récifs coralliens : maillon indispensable dans la chaine alimentaire, elles accélèrent le recyclage des nutriments et éliminent les individus malades.
Une protection partielle des écosystèmes proches de l’Homme
D’échelle mondiale, l’étude a été menée dans 1 800 récifs coralliens dont 106 situés en réserves marines. Elle montre que la mise en place de réserves à proximité de l’Homme atténue les pressions humaines, mais ne les élimine pas complètement, notamment celles liées à la pêche.
« Globalement, les prédateurs supérieurs sont absents dans plus de 70 % des récifs coralliens. Ils sont présents sur moins de 1 % des récifs proches de l’Homme. A contrario, leur taux de présence sur les récifs isolés s’élève à 59 % », explique David Mouillot, l’un des chercheurs qui a coordonné l’étude. La restauration de populations de prédateurs supérieurs comme les requins, via des réserves de petite taille situées à proximité des côtes anthropisées, semble donc illusoire. Le meilleur moyen pour les préserver reste la mise en place des mesures de protection sur les sites isolés.
Pour la biomasse en poissons, la situation est un peu différente. La protection semble optimale dans les réserves où la pression humaine est à un niveau intermédiaire.
« Différentes stratégies de conservation peuvent bénéficier aux récifs coralliens » conclut David Mouillot. « Notre étude suggère de maintenir une grande diversité de réserves avec des objectifs très variés et de ne pas négliger la protection des sites éloignés de l’Homme ».
Laboratoires impliqués dans l’étude
- ENTROPIE : Ecologie marine tropicale des océans Pacifique et Indien (IRD, Université de la Réunion, CNRS)
- LIVE : Laboratoire insulaire du vivant et de l’environnement (Université de la Nouvelle-Calédonie)
- MARBEC : Centre pour la biodiversité marine, l’exploitation et la conservation (Université de Montpellier, IRD, Ifremer, CNRS)