[LUM#10] Cellules en crise

La sobriété énergétique ne s’applique pas qu’à notre mode de vie, elle conditionne également la survie de nos cellules. François Favier et Vincent Ollendorff ont identifié le rôle majeur joué par la protéine REDD1 dans la réduction des dépenses en énergie de la cellule en situation de stress.

© Gabriel Fradin

« Si l’on devait résumer le rôle de REDD1, on pourrait dire que c’est un peu le Pierre Rabhi de la cellule, il freine la dépense énergétique pour s’adapter aux conditions de pénurie » expliquent avec humour François Favier et Vincent Ollendorff, chercheurs au laboratoire Dynamique Musculaire et Métabolisme. Depuis près de six ans, ils étudient la réaction des cellules musculaires confrontées à des situations de stress responsables de l’atrophie du muscle.

Une énergie vitale

Marcher, courir, attraper un objet, tenir une posture de yoga, parler… Autant d’actions rendues possibles grâce aux cellules musculaires qui, en se contractant, produisent une tension mécanique. Pour se contracter, celles-ci vont donc consommer de l’énergie, l’ATP. Chaque cellule dispose ainsi « d’une sorte d’usine capable de produire l’ATP dont elle a besoin pour fonctionner. C’est la mitochondrie » détaille François Favier.

En situation normale, cette énergie va être utilisée par la cellule pour synthétiser les protéines indispensables à son fonctionnement. « Les cellules du foie vont produire des protéines pour la digestion, celles des yeux pour la vision et les cellules musculaires pour la contraction, résume Vincent Ollendorff. Cette synthèse des protéines s’effectue dans le réticulum endoplasmique, situé à proximité de la mitochondrie. »

Le sens des priorités

Mais que se passe-t-il quand la cellule est confrontée à une situation de stress comme un effort physique, un jeûne ou une diminution de l’apport en oxygène ? « Ces situations entraînent une incapacité à fournir suffisamment d’énergie, explique François Favier, pour se sauver la cellule doit prioriser ses activités et mettre en stand-by la synthèse protéique, trop énergivore ». La cellule va alors libérer des protéines capables de ralentir la dépense énergétique.

Dans ce rôle de censeur énergétique, la recherche avait depuis longtemps identifiée la protéine AMPK, « une sorte de pompier de la cellule », décrit Vincent Ollendorff, mais les deux chercheurs montpelliérains sont les premiers à mettre en évidence le rôle précoce de REDD1. « REDD1 pourrait être comparée à un extincteur, poursuit le biologiste, elle agit avant AMPK et de façon plus ciblée, plus adaptée. »

Comment s’y prend-elle ? « REED1 va éloigner physiquement l’usine de production d’énergie, la mitochondrie, du siège de la synthèse protéinique afin de rediriger l’énergie là où les muscles se contractent et produire de la tension musculaire », explique François Favier. Une fois la situation de stress passée, mitochondrie et réticulum se rapprochent afin de reprendre la fabrication de nouvelles protéines. La preuve qu’en situation de crise énergétique, l’adaptation reste la meilleure solution.