[LUM#12] Les têtes chercheuses de Karma

Imaginez un ciseau moléculaire capable de dégrader une protéine en la coupant exactement là où l’on souhaite. Karma, c’est le nom de ce projet réalisé par quatorze étudiants montpelliérains et récompensé dans le cadre du prestigieux concours international de biologie synthétique organisé chaque année à Boston. 

« Dans beaucoup de pathologies comme le cancer ou la maladie d’Alzheimer, la recherche a identifié le rôle joué par certaines protéines dans le développement de la maladie, explique Thomas Bessede, étudiant en master 1 BIOTIN (Master Biologie santé). Les médicaments actuels font appel à des molécules chimiques pour les bloquer ». Problème, ces molécules pharmaceutiques ne cibles pas toujours protéines incriminées et provoquent donc des effets secondaires.

Des molécules capables de dégrader les protéines existent naturellement dans notre corps, ce sont les protéases. Certaines d’entre elles sont très spécifiques et permettent de cibler efficacement un type de protéine. « Malheureusement, détaille Elsa Frisot, doctorante au CBS et encadrante de l’équipe, on n’a pas de protéase spécifique pour chaque type de protéine, et s’il existe bien des protéases aspécifiques, elles risquent là encore d’entraîner des effets secondaires. »

Une tête-chercheuse

Les quatorze étudiants engagés dans la concours international IGEM (International genetically engineered machine) se sont donc attelés à ce problème et ont imaginé un outil moléculaire révolutionnaire : un ciseau à protéines capable de les dégrader de manière très ciblée. « Nous nous sommes inspirés de l’outil CRISPR cas 9, un ciseau génétique permettant de cibler et de découper une séquence d’ADN spécifique », souligne Thomas Bessede.

Pour réaliser cet outil, l’équipe s’est intéressée aux anticorps, dont la force est d’être vraiment conçus pour cibler une protéine à l’image d’une sorte de « tête-chercheuse ». « Aujourd’hui en labo on est capable de concevoir des anticorps pour tout. Chaque anticorps a la capacité de se fixer sur une cible précise. » Parmi ces anticorps, l’équipe IGEM a sélectionné le VHH et l’a donc fusionné avec une protéase aspécifique afin d’amener celle-ci jusqu’à la cible voulue.

Une expérience réussie

Pour observer l’effet du ciseau Karma sur une protéine ciblée, les jeunes biologistes ont utilisé la GFP, une protéine dont la particularité est de diffuser une lumière fluorescente verte. « Pour l’expérience nous avons ajouté sur la GFP un petit tag ou une étiquette bloquant cette fluorescence. L’objectif était de guider notre protéase munie d’un VHH sur ce tag afin de le dégrader et de permettre à la GFP de briller à nouveau » décrit Thomas. Et l’expérience est une réussite !

Reconnu et récompensé à Boston, le projet Karma, patiente désormais dans les frigos du CBS avec l’espoir qu’un chercheur motivé prolonge l’expérience pour développer pleinement son potentiel et peut-être trouver de nouvelles applications thérapeutiques. Une aventure à retrouver sur le site de l’IGEM 2019.

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