[LUM#22] Veni, vidi, industrie

Nous sommes en 2024 après JC. Tous les secteurs sont occupés par l’intelligence artificielle… Tous ? Non ! L’irréductible industrie résiste encore et toujours à cette révolution. Une résistance que le mathématicien Bijan Mohammadi pourrait bien vaincre grâce à sa formule magique.

Il n’est ni druide, ni guerrier mais chercheur à l’institut montpelliérain Alexander Grothendieck. C’est en troquant le chaudron contre un ordinateur et les potions contre unalgorithme, que Bijan Mohammadi a mis au point une IA unique au monde et convaincu des industriels tels que Renault de sa pertinence. « Elle utilise les signaux physiques comme le bruit ou les vibrations pour faire de la détection d’anomalie et de la maintenance préventive » explique-t-il.

Entendre le déchirement d’un minuscule connecteur en caoutchouc pour écarter la voiture défectueuse ou signaler l’usure d’une tête de fraiseuse en suivant les changements de vibrations, voilà le type d’application dont est capable cette IA. Pas de quoi casser 5 pattes à un sanglier diront certains sauf que… « Cela permet de produire jusqu’à 300 % de pièces supplémentaires avec la même tête de fraisage, ce qui représente un gain de plusieurs centaines de milliers d’euros par an et par chaine de production » souligne le mathématicien « habitué à fréquenter le milieu industriel et sa logique ».

IA et industrie : la zizanie

Gain d’argent, de temps et de qualité. Il n’en fallait pas moins pour convaincre ce secteur, car si on imagine l’IA régner sur l’industrie comme César sur la Gaule, il n’en est rien. Beaucoup de raisons expliquent cette réticence, à commencer par le manque de robustesse des IA classiques dont les architectures figées ne sont pas faites pour s’adapter à la variabilité des environnements sonores industriels. « On le constate avec les assistants vocaux des téléphones qui buggent si l’utilisateur a un accent un peu fort ou s’il y a un bruit de fond » illustre Bijan Mohammadi.

A cela s’ajoute le problème des données. Pour des raisons de souveraineté les industriels refusent de se tourner vers les Gafam pour partager les données nécessaires à l’entraînement d’une IA. Reste encore la question du passage à l’échelle industrielle et l’absence de preuve de retour sur investissement, bref… « Beaucoup de difficultés, peu de garanties, une équation qui ne plait pas dans le business » résume le mathématicien qui a donc fait le pari d’une autre formule.

Des lauriers de César à Bondzai

Eté 2016 après JC, alors que la Gaule fait le tour d’elle-même, Bijan Mohammadi planche sur ses 12 travaux et élabore l’algorithme qui lui ouvre le domaine des dieux. Ce dernier substitue à l’architecture fixe des IA classiques, qui comporte un nombre déterminé et généralement gigantesque de couches de neurones, un générateur de neurones empilant en temps réel les couches comme une imprimante 3D. « C’est une sorte d’IA miniature qui crée sa propre architecture. L’avantage est double : elle a besoin de très peu d’exemples et s’adapte complètement à l’environnement dans lequel elle est placée. Elle est très fiable puisqu’elle n’implique que peu de paramètres spécifiques. »

Et qui dit peu de données, dit pas de cloud donc pas de problème de confidentialité et pas non plus de dépenses énergétiques colossales. « C’est une IA frugale qui tourne sur des processeurs classiques qui demandent très peu d’énergie et aucun investissement en termes d’infrastructure informatique. » Fiabilité, adaptabilité, rentabilité… Les ingrédients de la gloire commercialisée depuis 2021 par la start-up Bondzai dont Bijan Mohammadi(x) n’a pas fini de cueillir les lauriers.

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