[LUM#6] Citoyens et scientifiques
Un projet de science participative pour mesurer la qualité de l’air : quand chercheurs et citoyens s’associent, la science avance… et chacun y gagne.
Septembre 2015 : un collectif de 23 associations en faveur de la ligne 5 du tram frappe à la porte du monde de la recherche. Ce groupe de centaines de citoyens se pose une question : l’air est-il plus pur sur les voies de tram qu’aux abords des routes ? L’un de ses membres a entendu parler d’une étude anglaise sur les particules fines déposées sur les végétaux près des routes. C’est une méthode nouvelle de mesure de la qualité de l’air, encore peu utilisée, mais fiable semble-t-il. Les appareils qui ont servi étaient ceux de Pierre Camps, du laboratoire Géosciences. Sans hésiter, les associations décident de solliciter le chercheur.
Savoir partagé
« Ils ont dû me passer plusieurs coups de téléphone avant que j’accepte… La qualité de l’air n’est pas mon domaine habituel de recherche », relate ce spécialiste de magnétisme des roches. Il se laisse finalement tenter par l’aventure. Mais pour cette étude non financée, il a besoin de moyens. Alors il propose à une soixantaine de citoyens de collaborer directement. Un exemple emblématique de science participative voit le jour. En janvier 2016, chaque volontaire est formé individuellement… Et le travail peut commencer. Pendant six mois, les bénévoles cueillent des feuilles sur des eleagnus, des chênes verts, des lierres, ou encore des lauriers tins ou lauriers roses. Des arbres et arbustes bien identifiés pour chaque cueilleur, par exemple à proximité de son travail ou dans son jardin. Les échantillons affluent au labo, en provenance d’un territoire allant de Cournonterral à Clapiers et Montferrier, en passant par Montpellier. Les scientifiques analysent ensuite les feuilles. Mais ils veulent s’assurer que les cueilleurs respectent le protocole. Alors ils dupliquent les mesures de leur côté, sur quelques secteurs. Verdict : les feuilles ont été collectées de manière irréprochable. Tout le monde a parfaitement joué le jeu.
« Nous avons obtenu un millier de données en six mois. Nous n’aurions jamais pu faire cela sans les bénévoles. Pour un chercheur, cette coopération est idéale », considère Pierre Camps. Une belle performance, mais aussi un partage de savoirs. « Nous chercheurs, nous sortons de nos murs. C’est très enrichissant. J’ai beaucoup appris des discussions avec les volontaires, très informés et cultivés, par exemple sur les particules fines ou encore en botanique. Il y a beaucoup de connaissances dans la société et le chercheur a un intérêt personnel dans le savoir partagé ».
Réponses constructives
Quels résultats l’étude a-t-elle donnés ? Il n’y a pas nécessairement moins de particules fines aux abords du tram (La Marseillaise, 2016). L’inverse de ce que les citoyens imaginaient ! La raison en est sans doute l’abrasion des roues, freins et rails du tram. « Une roue de tram perd 10% de sa taille sur sa durée de vie. La roue part littéralement en poussière ; on la respire ! », explique Patrick Nicol, coordinateur des bénévoles. Les citoyens engagés n’en ont pas été déçus pour autant… Ils voulaient des réponses constructives, avant tout.
Sur ce thème de la qualité de l’air, la science participative continue. Un projet démarre à Saint-Aunès pour étudier l’impact du doublement de l’A9 et l’effet de murs végétaux. Si ce type de collaboration avec les citoyens est encore rarissime en sciences de la terre, Pierre Camps a des projets. Il participe dans son laboratoire à la création d’un nouveau groupe « géophysique et société ». Pour continuer à s’enrichir mutuellement.
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