[LUM#9] Rencontre avec l’interféron
Virologiste à l’institut de recherche en infectiologie de Montpellier (IRIM), Caroline Goujon dirige depuis 2015 une équipe de recherche sur l’interféron. Une molécule sécrétée par nos cellules, indispensable pour résister aux agents pathogènes et dont le fonctionnement reste encore méconnu.
Son histoire avec l’interféron débute il y a presque dix ans au Royaume-Uni. Caroline Goujon est alors en post-doctorat après un parcours exemplaire, et presque romanesque, qui d’un BTS la mène à l’institut Cochin. Elle y côtoie « des maîtres de conférence passionnés qui adoraient transmettre leur savoir et m’ont vraiment mise sur la voie ». Une voie royale puisque l’année suivante elle intègre l’Ecole normale supérieure de Lyon avant de faire route vers l’Angleterre.
Fascinée par les virus et « leur capacité à détourner toute la machinerie de la cellule à leur profit » elle se spécialise sur le VIH, jusqu’à cette rencontre inattendue : « Je suis tombée sur certaines données passionnantes au hasard d’expériences. C’est à partir de là que je me suis intéressée à l’effet d’interféron sur les cellules hôtes. »
Au hasard d’expériences
De retour en France, sept ans plus tard, elle obtient son concours de chargée de recherche, décroche un financement destiné aux jeunes chercheurs et monte sa propre équipe sur l’interféron. Il faut dire que ce dernier a tout pour passionner. Anti-viral naturel, cette molécule sécrétée par nos cellules a l’incroyable pouvoir de nous protéger contre les virus et les bactéries, sans avoir recours aux anticorps. Comment agit-il ?
Produit par la cellule lors de l’intrusion d’un agent pathogène, l’interféron va se lier à la surface de celle-ci ainsi qu’à celles des cellules environnantes et émettre un signal d’alarme qui déclenchera chez chacune d’elles une reprogrammation génétique. « Ces cellules exposées à l’interféron vont exprimer une centaine de gènes dont une poignée va coder des protéines capables de combattre l’infection » souligne la biologiste.
Une course contre la montre
Voici la théorie, « dans la vraie vie c’est une course contre la montre, explique Caroline Goujon. Un virus comme la grippe se multiplie très rapidement. L’interféron permet de limiter sa propagation mais n’est pas suffisant. » Résultat, nous tombons malade.
D’où l’intérêt pour les scientifiques « d’identifier cette poignée de gènes capables d’inhiber la réplication du virus » afin de mieux comprendre leur fonctionnement. Avec à la clé « l’espoir lointain » d’ouvrir la voie à de nouvelles thérapies. Dans « l’atmosphère si particulière [de son] laboratoire confiné, et le calme », tant apprécié, d’un tête–à-tête entre virus et interféron, la chercheuse le sait : « Potentiellement, la solution est en nous. »