Nuits mouvementées
Dans certains cas, les mouvements nocturnes peuvent être annonciateurs de la maladies de Parkinson, qui peut survenir des années plus tard. A quel moment faut-il s’en inquiéter et qui faut-il consulter ? Explications avec Valérie Cochen de Cock, chercheuse au laboratoire Euromov1 et neurologue au pôle sommeil de la clinique Beau Soleil.
Si nos journées sont parfois mouvementées, notre sommeil lui est supposé être immobile. “Quand on dort, normalement on ne bouge pas” explique Valérie Cochen de Cock, chercheuse au laboratoire Euromov. Pourquoi dans ce cas a-t-on parfois la sensation de bouger en dormant ? “En réalité ces mouvements surviennent normalement dans les phases de micro-éveil qui ponctuent le sommeil”, précise la neurologue. Car le sommeil, s’il peut paraitre uniforme, a en réalité de nombreuses facettes. “Un cycle est constitué de différents stades qui se succèdent, les cycles se répètent tout au long de la nuit et sont souvent entrecoupés de micro-éveils, inconscients car trop brefs ou d’éveils plus prolongés que l’on peut mémoriser.” On distingue notamment deux stades importants : le sommeil lent, qui est d’abord léger puis profond et qui prédomine en début de nuit, et le sommeil paradoxal majoritaire en fin de nuit. “Il correspond à une période durant laquelle l’activité cérébrale est proche de celle de la phase d’éveil, c’est à ce moment là que nous rêvons”, explique le docteur Cochen De Cock qui reçoit ses patients dans une unité spécialisée dans la prise en charge des troubles du sommeil à la clinique Beau Soleil.
Parasomnies
Et pour certaines personnes, les nuits ne sont pas un long fleuve tranquille : elles bougent et ont des comportements moteurs anormaux, on parle alors de parasomnies. Parmi ces perturbations, certaines surviennent en sommeil lent profond. On retrouve trois types de troubles : le somnambulisme, les éveils confusionnels et les terreurs nocturnes. “Des manifestations qui sont assez fréquentes chez les enfants et qui tendent à disparaître chez l’adulte”, précise la spécialiste.
Mais les parasomnies peuvent aussi survenir lors des phases de sommeil paradoxal, “on parle alors de trouble du comportement en sommeil paradoxal, souligne la chercheuse. Normalement un système de loquet dans le tronc cérébral provoque une atonie musculaire qui empêche de bouger, nous sommes comme paralysés, mais chez ces patients ce loquet dysfonctionne”. Un trouble qui prend une forme pour le moins surprenante. “Notre patient type, c’est un homme de plus de 50 ans qui arrive en consultation en racontant que sa femme se plaint qu’il est violent avec elle pendant son sommeil.” Des dormeurs qui donnent des coups, qui crient, et qui peuvent même aller jusqu’à tenter d’étrangler leur partenaire de lit. “Lorsqu’on interroge la personne, on retrouve une histoire de rêve qui explique le comportement : le dormeur rêve que sa compagne se fait agresser et qu’il la défend en attaquant leur agresseur, alors qu’en réalité dans les faits c’est elle qui reçoit les coups.”
Maladie de Parkinson
Des récits qui pourraient prêter à sourire, s’ils n’étaient pas annonciateurs de troubles neurologiques plus préoccupants. “80 % des patients qui présentent un trouble du comportement en sommeil paradoxal vont développer une maladie de Parkinson dans les 10 années à venir”, détaille Valérie Cochen de Cock.
Pourquoi ce trouble du sommeil précède-t-il l’apparition des premiers symptômes de cette maladie neurologique ? “Au cours de la maladie de Parkinson, une protéine appelée l’alpha-synucléine a la particularité de s’agréger, ce qui provoque des dépôts appelés corps de Lewy”, répond la neurologue. En analysant le cerveau de patients et patientes décédés atteints de cette maladie, les scientifiques se sont aperçus que les dépôts se font de manière progressive et ascendante à partir du tronc cérébral qui est situé dans la partie basse du cerveau. “C’est justement la région responsable de l’atonie pendant le sommeil, notre fameux loquet. C’est pourquoi les mouvements en sommeil paradoxal sont un signe qui précède de quelques années la manifestation clinique de la maladie.”
Consulter
La neurologue invite les dormeurs qui se reconnaitraient dans ce tableau à consulter au sein d’un service spécialisé. “Il n’y a pas de quoi s’alarmer, ces troubles nocturnes peuvent aussi être la manifestation d’apnées du sommeil qui vont surtout concerner les patients ronfleurs et en surpoids. Mais dans tous les cas il est toujours important de pouvoir poser un diagnostic précocement pour une meilleure prise en charge.” En cas de diagnostic de trouble du comportement en sommeil paradoxal, les patients vont être suivis de près pour mieux identifier la survenue éventuelle de la maladie de Parkinson. Et peut-être prévenir son apparition. “Pour l’heure il n’existe pas de traitement préventif, en revanche les études montrent que l’activité physique est efficace pour ralentir la survenue de la maladie.”
La spécialiste, qui fait partie d’un groupement d’une centaine de chercheurs et chercheuses travaillant sur le trouble du comportement en sommeil paradoxal, participe à une grande étude nationale destinée à caractériser les troubles du sommeil dans la maladie de Parkinson qui démarrera en septembre 2023. “Si votre partenaire se plaint de gestes violents pendant votre sommeil ou s’il vous arrive de vous blesser la nuit en donnant un coup dans le mur ou en tombant de votre lit, il est important de consulter”, insiste Valérie Cochen de Cock.
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- Euromov (UM, IMT Mines Ales)
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