Projet Epine : tester la réceptivité à l’immunothérapie

Chargé de recherche à l’Inserm, Julien Faget dirige le projet Epine, destiné à développer des tests prédictifs capables de déterminer si les patients atteints de cancer du poumon seront réceptifs au traitement par immunothérapie. Une piste prometteuse, et un gain de temps considérable pour la mise en place des protocoles, ce traitement n’étant efficace que dans 30% des cas.

Actuellement dans la rampe de lancement du Pôle universitaire d’innovation (PUI), le projet Epine pourrait donner un sacré coup d’accélérateur à la recherche sur les immunothérapies. Porté par Julien Faget, chargé de recherche au sein de l’Institut régional du cancer à Montpellier (IRCM), ce projet vient de remporter l’adhésion du jury du Booster d’innovation de Montpellier (BIM), l’un des outils phares du PUI destiné à valoriser les découvertes scientifiques et créer du lien entre les chercheurs et le monde de l’entreprise.

Un angle mort

L’histoire de ce projet démarre aux confins d’une impasse scientifique. Chaque année en France, environ 40 000 personnes déclarent un cancer du poumon. Depuis 2011, pour les patients que la chimiothérapie n’arrive pas à soigner, l’immunothérapie s’est avérée prometteuse. Son principe : lever les freins du système immunitaire pour qu’il attaque les cellules malades… “Le système immunitaire, c’est comme un gros monstre qui passerait son temps à s’énerver mais qui serait tenu en laisse. L’idée, c’est de couper cette laisse pour le rendre plus agressif. Les cellules malades seront alors les premières à se faire tuer. Avec l’immunothérapie, on utilise les ressources du patient pour lutter contre le cancer”, explique Julien Faget.

Si ce traitement peut faire des miracles, seul un tiers des patients y sont réceptifs. “Quand ça fonctionne, ça les guérit alors qu’ils n’avaient que six mois d’espérance de vie… Mais aujourd’hui, les oncologues ne disposent d’aucun outil pour savoir en amont s’il peut fonctionner ou non”. Et c’est précisément cet angle mort que Julien Faget est en passe de résorber. A la fois pour que l’oncologue soit en mesure d’adapter les traitements au plus tôt, et pour que les futurs candidats-médicaments puissent, à terme, être testés sur des patients dont on sait déjà s’ils sont en capacité d’y être réceptifs…

Premiers au monde

Par le passé, Julien Faget a déjà participé à détricoter une partie du problème. Au fil de recherches menées à la fin des années 2010, il comprend que la présence de cellules “neutrophiles” dans les poumons joue un rôle majeur sur l’efficacité du traitement. “Lorsqu’il existe une altération au niveau des os des patients, les neutrophiles se déplacent vers les poumons et entrent dans la tumeur. Ce sont eux qui empêchent le traitement de fonctionner”, détaille-t-il. Le deuxième nœud du problème consiste donc à trouver un moyen ingénieux d’examiner ces globules blancs en milieu hospitalier et sans délai.

Dans son laboratoire de l’IRCM (Inserm), Julien Faget et ses deux collaborateurs ont appliqué leur stratégie sur une soixantaine de patients-tests. L’équipe est partie de 850 000 paramètres à tester. Après plusieurs années de recherches, le spectre s’est affiné, il n’en reste plus que six, et les essais actuels présentent un taux d’efficacité de plus de 90%. “On va encore travailler pour être meilleurs, assure Julien Faget. On n’est pas les seuls à travailler sur les neutrophiles, mais on est les premiers au monde à avoir une capacité de test transposable en clinique le jour du diagnostic”.

Apporter quelque chose de concret à la société

Grâce au BIM et à l’enveloppe de 20 000 euros qui leur a été attribuée, Epine est en train de recruter un nouvel ingénieur qui sera chargé de réaliser de nouveaux tests et de valider leurs résultats. Cette nouvelle étape leur donne accès à une cohorte de 150 patients issus de l’Institut régional du cancer de Montpellier et de 45 patients du CHU. En parallèle, ce dispositif permet également à Julien Faget de plancher sur la création d’une start-up en collaboration avec un industriel. “Les acteurs économiques et le BIM sont convaincus qu’on a une idée qui peut apporter quelque chose de concret à la société dans un temps rapide. Mais c’est un autre métier et on a besoin d’aide pour l’exercer correctement tout en continuant notre travail de recherche”. En passe d’être brevetée via l’Inserm Transfert, le test innovant du projet Epine pourrait être fonctionnel d’ici trois ans.

Actuellement, il est aussi associé au développement d’un nouveau candidat-médicament. Une collaboration encore en gestation, mais qui devrait à terme booster l’éclosion de nouveaux traitements. “Le marché de l’immunothérapie en 2026, c’est 64 milliards d’euros dépensés par an dans le monde. En France, c’est 4 milliards d’euros, mais seuls 1,5 milliards  apportent un bénéfice aux patients. Les trois autres milliards les exposent à des effets secondaires et les privent de stratégie efficace”, argumente-t-il.

Julien Faget, ancien lauréat du BIM, interviendra lors du webinaire du « Booster innovation Montpellier » le 10 décembre 2024 pour partager son expérience et échanger avec les participants.