Quand les expériences de réalité virtuelle donnent envie de voyager…
Si on en croit l’Organisation mondiale du tourisme, 95 % des touristes mondiaux se concentrent sur 5 % des terres émergées. Cela n’est pas sans risques : saturation, pression sur les infrastructures, cohabitation difficile avec les habitants…
Yasmine Hashish, Cairo University et Marie-Christine Lichtlé, Université de Montpellier
A contrario, de nombreux territoires restent par ailleurs privés des bienfaits du tourisme. Ceux-ci semblent toutefois profiter de la crise sanitaire. Depuis l’apparition du nouveau coronavirus, les voyageurs ont privilégié le tourisme domestique et des régions peu fréquentées. Recherche d’expériences authentiques en pleine nature et activités en plein air, ont été plébiscitées à l’été 2020.
En France, par exemple, le département de l’Aveyron a enregistré une hausse de 14 % de la fréquentation touristique au mois de juillet, par rapport à 2019 ; dans la Creuse, la fréquentation des familles françaises a bondi de 23 %.
Selon le World Travel & Tourism Council, ces tendances persisteront à court terme. Ce nouvel intérêt des touristes ouvre des perspectives pour des territoires jusqu’à présent peu fréquentés. À ce sujet, nos travaux suggèrent que les nouvelles technologies peuvent leur permettre de doper leur attractivité.
Des monuments, des paysages, mais une faible fréquentation…
Notre étude a porté sur la ville égyptienne de El Minya qui occupe la troisième place, après Louxor et El Giza, au classement des endroits riches en monuments. On y trouve des édifices pharaoniques, gréco-romains, islamiques mais aussi coptes ainsi que des musées et des châteaux. Les visiteurs profitent également de l’alternance de paysages magnifiques entre sites urbains, terres agricoles et désert, que l’on peut parcourir en bateau sur le Nil.
Malgré ces atouts, la publicité en Égypte et à l’étranger sur le gouvernorat de El Minya reste inexistante et l’endroit demeure peu fréquenté.
Notre enquête quantitative a été menée en 2019 auprès de 341 personnes de nationalité égyptienne, afin d’identifier les conditions d’efficacité du fait de vivre une expérience virtuelle de l’endroit pour décider les individus à s’y rendre.
Chacun des répondants a visité une des six versions des sites Internet créés pour El Minya. Celles-ci se différenciaient uniquement par leur degré d’interactivité et de vivacité. Des photos ou des vidéos ou des visites virtuelles en 3D pour les attractions touristiques étaient parfois incluses.
Vivre l’ambiance
Il en ressort que les touristes semblent apprécier vivre une expérience virtuelle avant de choisir une destination.
Certes, l’expérience peut varier d’un individu à l’autre : les caractéristiques personnelles (par exemple la préférence pour les informations visuelles, l’implication envers le voyage, la familiarité avec la technologie…) influencent l’intensité de cette expérience. Une tendance se dégage cependant.
En créant une expérience de « téléprésence », vidéos interactives et visites virtuelles en 3D déclenchent des états affectifs positifs, influencent positivement la valeur perçue de la destination et accroissent l’intention de visite. À l’inverse, les sites qui ne présentent que des photos en 2D ont suscité peu d’envie de visiter la destination.
Pour aller plus loin, des entretiens semi-directifs ont permis d’identifier les raisons de la préférence pour les visites virtuelles. Différents avantages ont été mis en avant par les enquêtés :
« Avec la 3D, vous voyagez sur le site sans bouger de chez vous. »
« La 3D nous montre tout ce qui arrivera sur place. Grâce à la 3D, les choses sont plus concrètes, comme si elles étaient réelles. »
« Les visites en 3D sont très utiles, car on peut s’imaginer en pratiquant les activités disponibles. Si je me sens heureux pendant cette expérience en ligne, bien sûr je visiterai cette destination. »
Faire ressentir les sensations d’une balade en pleine nature, sur mer, en milieu rural ou vivre l’ambiance de la production de produits locaux grâce à des vidéos à 360° ou des visites en 3D facilitent ainsi la prise de décision.
Nouvelles perspectives
L’utilisation de tels outils se développe et selon un rapport de Bloomberg, publié le 13 février 2020, les produits de réalité virtuelle et de réalité augmentée représenteront d’ici 2025 un marché mondial de plus de 571,42 milliards de dollars.
Même s’il est difficile de prédire les comportements des touristes après la crise sanitaire, il semble indispensable pour le secteur de capitaliser sur l’évolution récente des comportements et d’aller dans le sens d’une utilisation croissante du numérique.
Les ventes d’outils de réalité virtuelle s’avèrent actuellement en hausse. Ils reflètent l’intérêt croissant des touristes mondiaux pour les expériences immersives et ouvrent de nouvelles perspectives aux destinations touristiques peu fréquentées.
De nombreux pays ont désormais mis en place des politiques et des plans visant à développer le tourisme durable à l’horizon 2030. Le « sous-tourisme » est même devenu une tactique suscitant un intérêt croissant des marketeurs. Il s’agit d’encourager les voyageurs lassés par les destinations bondées à choisir des destinations touristiques moins fréquentées comme alternative. Nos travaux montrent que la réalité virtuelle semble un moyen efficace pour parvenir à cette fin.
Yasmine Hashish, PHD- Lecturer at Faculty of Mass Communication, Cairo University, Cairo University et Marie-Christine Lichtlé, Professeur des Universités, Université de Montpellier
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.