Rouages : “Grâce à notre travail, des nanosatellites montpelliérains génèrent des données scientifiques en orbite”
Romain Briand et Ezéchiel Pinède sont respectivement ingénieur mécanique et ingénieur système au Centre spatial de l’Université de Montpellier (CSUM). Tous les deux participent à ce formidable travail d’équipe qui permet au CSUM d’envoyer ses nanosatellites dans l’espace. Ils nous racontent leur mission dans le cadre de la série vidéo « Rouages », produite par l’Université de Montpellier. Moteur !
N’entre pas qui veut au Centre spatial de l’Université de Montpellier. Une fois passés l’accès sur le campus Saint-Priest et la porte d’entrée du bâtiment nous retrouvons Calypso Alcalde, chargée de communication, qui nous mène vers les deux protagonistes du jour. Juste le temps de découvrir les logos des nombreux mécènes industriels de la Fondation Van Allen affichés dans le hall d’accueil et nous voilà au deuxième étage, direction le centre de contrôle où nous attendent Romain Briand, ingénieur mécanique depuis sept ans au centre spatial et Ezéchiel Pinède, ingénieur système qui a rejoint l’équipe il y a deux ans.
L’interview commence avec comme toile de fond les écrans permettant de suivre sur un planisphère le déplacement des nanosatellites. Plus ancien dans l’équipe, Romain accepte de se lancer. Concis et précis, deux qualités indispensables dans son métier, il nous résume en deux phrases son poste. « Je suis ingénieur mécanique spécialisé en assemblage, intégration et test de nanosatellites pour qu’ils soient prêts à être livrés aux lanceurs [« à la fusée » précise Calypso Alcalde attentive à ce que le vocabulaire soit accessible à tous] et donc prêts à être livrés en orbite. Quand on parle de nanosatellites on ne parle pas de fabrication mais d’assemblage. » Un travail minutieux que l’ingénieur réalise en atelier d’abord puis en salle propre. Les deux espaces situés au rez-de-chaussée du bâtiment contrastent.
De l’atelier à la salle propre
D’un côté, une pièce de taille modeste où s’alignent une multitude d’outils, dont les fameuses pinces brucelles évoquées par Romain Briand, « ce sont des petites pinces, comme des pinces à épiler, qui nous permettent d’attraper les vis nécessaires à l’assemblage des nanosatellites ». Contre les murs justement, on remarque les centaines de casiers contenant des milliers de petites vis et autres composants de microélectroniques, tous parfaitement répertoriés, étiquetés et rangés, prêts à être utilisés pour assembler les nanosatellites dont plusieurs prototypes sont visibles sur les espaces de travail (écouter notre reportage sur les flatsats avec Pablo Boizeau du CSUM, à 20’45 de l’enregistrement).
De l’autre côté derrière une paroi vitrée, un espace de 200m2 occupé par quelques paillasses très distantes les unes des autres et sur lesquelles ne traîne aucun objet superflu. « Cette salle dispose d’un environnement contrôlé, c’est-à-dire qu’on mesure la température, l’hygrométrie, le taux de particules pour pouvoir assembler nos modèles de vols et réaliser nos tests. » Pour y entrer il faut montrer patte blanche : charlotte, blouse, surchaussures et masque, ici la moindre poussière, le moindre petit poil est un ennemi à abattre (écouter notre reportage sur l’assemblage des satellites avec Romain Briand à 19’45 de l’enregistrement) .
Travail en segment sol
L’univers de travail d’Ezéchiel Pinède se trouve quant à lui dans la salle de contrôle où nous tournons notre vidéo. L’ingénieur système nous en donne la véritable appellation : le segment sol. En poste au CSUM depuis un peu plus deux ans, sa mission est « à l’interface des différents domaines d’expertise. Mon quotidien consiste à avoir une vision globale sur tous les projets pour coordonner les activités techniques, amener à bien le développement et les opérations en vol des différents satellites. » Depuis cette salle où il passe la moitié de son temps, Ezéchiel Pinède opère les satellites que le CSUM a dans l’espace.
L’écran, situé juste derrière lui, nous en donne à voir quatre se déplaçant au rythme de la Terre sur la carte du monde. Sur d’autres écrans des tableaux et des courbes se laissent moins facilement deviner, Ezéchiel Pinède nous montre également des photos où nous reconnaissons le profil bleu de notre planète. « C’est à partir d’ici que nous récupérons toutes les données transmises par les nanosatellites et c’est aussi d’ici que nous leur envoyons des télécommandes » précise l’ingénieur. Pour cette dernière opération, il utilise le MCC, le mission control center, une sorte de radio branchée en direct sur l’espace. « C’est avec cet outil là que je peux communiquer en temps réel avec nos satellites. »
Toucher les étoiles
On l’image bien, aucun de ces deux ingénieurs n’est arrivé dans le spatial par hasard. « J’ai fait un master en ingénierie mécanique à Montpellier, raconte Romain Briand. J’ai toujours aimé l’espace et travailler au Centre spatial de l’Université de Montpellier était presque une évidence pour moi. » Le parcours d’Ezéchiel Pinède commence de manière assez similaire avec une formation d’ingénieur mécanique à Polytech Montpellier, « que j’ai voulu compléter avec une année de plus en mastère spécialisé Développement des systèmes spatiaux que j’ai réalisé en alternance grâce à la Fondation Van Allen. »
Tous deux apprécient au quotidien le fait de travailler avec des technologies de pointe, au sein d’une équipe pluridisciplinaire. « Grâce à notre travail des nanosatellites montpelliérains génèrent des données scientifiques en orbite » (lire Avant nous le déluge, 2022, LUM n°16) se félicite Romain Briand qui en juin dernier a pu réaliser un rêve de gosse juste avant le lancement d’Ariane 6 à Kourou avec à son bord Robusta 3A, le huitième nanosatellite du CSUM : « J’ai pu signer de ma main, la coiffe d’Ariane 6 ! »
« En seulement quelques années nous assistons au développement des satellites de l’idée initiale jusqu’aux opérations en orbite, en passant par la conception et la production » s’enthousiasme Ezéchiel Pinède pour qui les moments les plus intenses sont ceux « où on entend pour la dernière fois le signal du satellite dans notre salle propre, et celui où on reçoit le premier signal depuis l’espace. »