Agnes Lèbre : L’observatrice à l’observatoire

Depuis le 1er août 2024, l’astronome Agnès Lèbre a pris la direction de l’Observatoire de recherche montpelliérain de l’environnement (OREME). Une fonction qui va de soi pour la première chercheuse de l’UM à compter dans ses missions un service d’observation depuis 1996.

L’astronome Agnes Lèbre a un truc en plus. Comme ses pairs universitaires, elle fait de la recherche et de l’enseignement mais son service compte aussi une mission d’observation. Elle est même la première chercheuse de l’UM à avoir bénéficié en 1993 de ce statut de CNAP (Conseil national des astronomes et physiciens), un corps d’État spécifique qui prévoit un tiers temps pour des services d’observation dédiés à la communauté d’astronomie. « Aujourd’hui nous sommes quatre CNAP à l’UM », se félicite celle qui a ouvert la voie en défendant ce statut il y a 30 ans. 

Le suivi des écosystèmes avec l’Oreme

En pratique, elle a commencé par travailler avec l’Observatoire du Pic du Midi pour préparer les nuits d’observation des équipes de recherche qui utilisent le fameux télescope Bernard Lyot perché à 2800 mètres dans les Pyrénées. Tout en conduisant sa propre recherche sur des étoiles bien particulières, les super géantes rouges : elle observe la surface de ces astres plus vieux et plus gros que le soleil pour en étudier le magnétisme.

Sa tâche d’observatrice la prédisposait à rejoindre un des 25 observatoires des sciences de l’univers en France, celui de Montpellier créé en 2009. « Je suis arrivée au poste de directrice-adjointe de l’Observatoire de recherche montpelliérain de l’environnement (Oreme) en 2016 par ma mission dans le cadre d’un service d’observation », raconte Agnes Lèbre, qui avait alors déjà dirigé plusieurs unités de recherche, dont son Laboratoire univers et particules de Montpellier (LUPM) comme directrice-adjointe de 2015 à 2016. « Je me suis ouverte à de nouvelles communautés scientifiques, des sciences de la terre et de l’eau, mais aussi de l’écologie et de l’environnement, raconte l’astronome qui insiste sur l’importance accordée par l’observatoire montpelliérain au suivi des écosystèmes. L’enjeu est en particulier d’évaluer les effets des activités anthropiques – des pollutions locales au changement climatique – sur les écosystèmes terrestres et marins. »

« De l’étoile supergéante au grain de pollen »

En août 2024, elle prend la direction de l’Oreme à la suite de l’hydrologue académicien Eric Servat. La nouvelle directrice aime défendre le « continuum scientifique » couvert par les nombreux programmes d’observation de l’OREME, « de l’étoile supergéante au grain de pollen, et même à la bactérie ! Voilà la diversité des systèmes sur lesquels portent nos observations. » 

Rattaché à l’Université de Montpellier, au CNRS, à l’IRD et à l’INRAE, l’OREME compte aujourd’hui trente services d’observation. Avec des objets d’études variés, comme la vulnérabilité des forêts méditerranéennes au changement climatique, l’antibiorésistance dans le Lez ou encore l’évolution de la lagune de Thau. Si beaucoup de programmes d’observation sont en Occitanie, d’autres concernent l’hémisphère sud, avec un exemple le suivi littoral du pourtour méditerranéen ou un observatoire hydro-climatologique en Afrique de l’ouest. En effet, les services d’observation sont portés avec les huit laboratoires associés à l’Oreme, qui travaillent dans la région et mais aussi avec le Sud. « Environ 250 chercheurs, sur les 1200 que comptent ces équipes, travaillent directement avec nous dans le cadre de leurs recherches. »

Collection des données sur le temps long

Outre la couverture géographique et disciplinaire, les observatoires des sciences de l’univers doivent garantir une collection des données sur le temps long. « L’Oreme, à la mesure de ces moyens, assure la continuité des mesures et la conservation des données », souligne Agnes Lèbre. Elle peut compter sur plusieurs gros équipements et une vingtaine d’agents administratifs et techniques pour les faire tourner. Parmi lesquels une plateforme expérimentale d’analyse géochimique d’échantillons, la plateforme Medimeer dédiée à l’étude des écosystèmes marins, la station marine de Sète ou encore deux bateaux pour conduire des expéditions marines. 

Et pour gérer toutes les données collectées ? « Un système d’information certifie les données et les met à disposition sous forme de bases de données exploitables. C’est une des missions de l’Oreme de diffuser les informations le plus largement possible, après parfois une période d’embargo dans l’attente d’une publication scientifique de résultats par exemple », explique la directrice qui précise que cette mission de diffusion auprès de la communauté scientifique et du grand public lui tient « tout particulièrement à cœur ».

L’Oreme organise régulièrement des conférences et des journées scientifiques. Le prochain événement en date sera une journée intitulée « Voyage en Géosciences, de la planète habitable aux ressources minérales critiques », le 12 novembre 2024 à la Panacée. « Si le matin est réservé à la communauté scientifique des laboratoires attachés à l’Oreme, l’après-midi est ouvert au grand public. Avec cette année une première puisque cette conférence a été mise au programme de la formation des enseignants du secondaire, et l’événement sera également diffusé en direct sur Internet ! », se réjouit celle qui participe toujours volontiers à des initiatives de vulgarisation scientifique.