Sarah Colombani, prix de la FRM : « Cette reconnaissance va me suivre toute ma carrière »
A 24 ans, Sarah Colombani, vient d’être distinguée par le prix Jeanne Philippe Beziat de la Fondation pour la recherche médicale (FRM). Doctorante à l’Université de Montpellier dans le laboratoire Physiologie et médecine expérimentale du cœur et des muscles, elle débute sa thèse de cardiologie sous la direction d’Albano Meli et d’Alain Lacampagne. Interview.
Obtenir un prix alors qu’on débute tout juste sa thèse, c’est un peu surprenant. Ce prix Jeanne Philippe Beziat, il récompense quoi ?
C’est vrai, j’ai commencé ma première année de thèse il y a seulement deux semaines. Le prix Jeanne Philippe Beziat récompense des jeunes doctorants qui travaillent dans le domaine de la cardiologie. Le jury de la FRM a évalué à la fois le dossier du doctorant et le projet de thèse en lui-même.
C’est un très beau début, qu’est-ce que cela représente pour vous en terme de reconnaissance et d’opportunités ?
D’abord quand on commence à peine, cela met un peu la pression, il faut viser haut. Avoir un prix de cardiologie ça n’arrive pas à tout le monde et être distingué par la Fondation pour la recherche médicale c’est extraordinaire. Je pense que cette reconnaissance va me suivre toute ma carrière. Ensuite pour le laboratoire, cela donne de la visibilité. C’est une belle opportunité.
Vous avez reçu votre prix au cours d’une grande cérémonie à Paris. Comment l’avez-vous vécu ?
Je n’ai jamais eu à parler devant autant de personnes donc oui, c’était vraiment stressant ! Heureusement la cérémonie était faite pour que nous nous sentions mis en avant. Nous étions mélangés avec de grands chercheurs qui ont, eux, reçus des prix de recherche, des prix scientifiques. Il y avait des personnalités importantes dont la ministre de l’enseignement supérieur ou Marina Carrère D’Encausse qui m’a d’ailleurs remis le prix.
La recherche ne se fait pas sans argent, un prix c’est un vrai soutien financier ?
Bien sûr ! Ce prix est d’un montant de 102 600 euros, c’est assez conséquent. Je suppose qu’il va à la fois permettre de financer mon projet et de me payer pendant ma thèse. C’est un vrai plus pour le laboratoire.
Votre projet justement, vous pouvez nous en dire quelques mots ?
Les docteurs Alain Lacampagne et Albano Meli, qui sont mes directeurs de thèse, ont découvert récemment que la mutation d’un canal – permettant l’entrée du calcium dans le cœur et donc la contraction du cœur -impliquée dans une maladie cardiaque appelée CPVT (pour Tachycardie ventriculaire polymorphe catécolimergique), était également associée à des maladies neurologiques type épilepsie. Autrement dit pour la première fois, ils ont montré que cette mutation pouvait, en amont, avoir un effet au niveau des neurones.
Vous allez donc poursuivre ces travaux ?
Ma thèse porte sur un patient qui est atteint de cette CPVT et qui a également un syndrome autistique. On souhaite voir dans ce cas précis si les neurones sont mutés, et si oui est-ce qu’ils ont un effet sur le cœur et inversement. Cette thèse est possible grâce à un système assez récent et inédit : les puces microfluidiques. Le but in fine c’est d’étudier l’interaction entre les neurones et le cœur en condition de maladie neurocardiologique, et de voir justement quel traitement est efficace à ces deux niveaux.
Vous débutez votre thèse à 24 ans, c’est un joli parcours. A partir de quand avez-vous su que vous vouliez faire de la recherche en cardiologie ?
En 3e année de licence de physiologie animale et neurosciences j’ai suivi des cours de cardiologie qui m’ont passionnés. Pour aller plus loin, je me suis inscrite en master médecine expérimentale et régénératrice, avec le professeur Jean-Yves LeGuennec et j’ai découvert les thérapies innovantes et le travail sur les cellules souches. C’est vraiment quelque chose d’incroyable ! Quand le docteur Albano Meli m’a proposé ce sujet qui associait cardio, cellules souches et thérapies innovantes, je me suis dit que c’était exactement ce que je voulais faire.
Vous avez fait toutes vos études à l’Université de Montpellier ?
Oui, j’ai fait mon cursus à Montpellier mais je suis née et j’ai grandi au Maroc. Je suis arrivée après le bac que j’ai obtenu au lycée Descartes à Rabat en 2013. J’ai commencé par médecine car beaucoup de gens autour de moi et dans ma famille sont dans le milieu médical mais au fur et à mesure de l’année, j’ai compris que la science fondamentale me correspondait plus. Je suis donc allée à la Faculté des sciences et voilà ! Mon cursus s’est fait tout naturellement.
Et votre avenir, comment l’envisagez-vous ?
Je viens de commencer ma thèse donc je ne vais pas aller trop vite mais je sais qu’après ce sera forcément un post-doc. J’aimerais aller dans un laboratoire aux États-Unis qui travaille sur les cellules souches et les maladies cardiaques avec des thérapies innovantes pour pouvoir perfectionner mes techniques expérimentales. J’espère revenir avec cette expertise pour un deuxième post- doc en France et bien sûr, passer les concours et être chercheuse ici.